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Rochambeau et ses ingénieurs géographes

Rochambeau, l’influent stratège de la victoire de 1781


Rouillac | Charles Phillippe Larivière | Jean-Baptiste Donatien de Vimeur, comte de Rochambeau, château de Versailles

Charles Phillippe Larivière, Jean-Baptiste Donatien de Vimeur, comte de Rochambeau, château de Versailles

Né en 1725 à Vendôme, Jean-Baptiste Donatien de Vimeur, comte de Rochambeau, eut une carrière militaire exemplaire. En 1742, il entre au régiment de Saint-Simon et participe aux campagnes de la guerre de Succession d’Autriche. Remarqué pour ses qualités, il est nommé aide de camp du duc d’Orléans et devient colonel d’infanterie en 1747. Ses faits d’armes le font nommer colonel du célèbre régiment d’Auvergne en 1759, puis lieutenant général en1780. Louis XVI le choisit afin qu’il prenne le commandement du corps expéditionnaire français en soutien aux Américains en lutte pour leur liberté et leur indépendance contre l’occupant anglais. Il s’illustre aux côtés de Washington et de La Fayette à la bataille de Yorktown en octobre 1781. Rentré en France, il reçoit le Cordon bleu du Saint Esprit et le commandement militaire de la Picardie. En 1790, il prend la tête de l’Armée du Nord et le roi le nomme maréchal de France en décembre 1791. Il démissionne de l’armée en 1792 et se retire dans sa propriété vendômoise. Arrêté sous la Terreur, emprisonné à la Conciergerie, il échappe de peu à la guillotine et meurt sur ses terres familiales en 1807.

Le 4 juillet 1776, 13 colonies d’Amérique du Nord déclarent leur indépendance vis-à-vis de la couronne britannique. La guerre de Révolution qui s’en suit est incertaine. Commandée par George Washington, « l’Armée continentale » fait preuve de hardiesse et de courage malgré son manque d’expérience. Elle suscite de rares vocations au-delà de ses frontières, mais enthousiasme La Fayette qui la rejoint en 1776. Il faut attendre la victoire de Saratoga en 1777 pour que la France et les puissances européennes commencent à croire que l’ennemi britannique peut être défait dans le nouveau monde. Un traité d’alliance franco-américain est signé le 6 février 1778 par Vergennes, ministre des affaires étrangère du roi Louis XVI, engageant la France au côté des Insurgent. Une première flotte commandée par d'Estaing remporte quelques succès mais échoue devant New York et Savannah en septembre 1779 avant de rentrer en France.

Un corps expéditionnaire de 6 000 hommes commandé par le comte de Rochambeau est alors envoyé en Amérique en juillet 1780. Il s’installe à Rhode-Island, non loin de New York, que George Washington rêve de reprendre aux Anglais. Mais le général français convainc son homologue américain de ne pas attaquer cette ville trop bien défendue par Clinton, et de marcher plus au sud vers la Virginie pour prêter secours à La Fayette en difficulté. Pour cela, Rochambeau n’hésite ni à se mettre sous les ordres de Washington ni à partager généreusement l’argent de son armée. En septembre 1781, la marche combinée des deux armées fait la jonction avec la flotte de l’amiral de Grasse installée dans la baie de Chesapeake, puis assiège le lieutenant-général anglais, Cornwallis, dans la ville de York. L’action simultanée de la composante navale française et terrestre franco-américaine permet la victoire décisive en Virginie. Les batailles de la baie de Cheasapeake le 5 septembre 1781 puis de Yorktown le 19 octobre 1781 sont ainsi dues à la perspicacité et à la force de conviction du comte de Rochambeau. Épuisée par la guerre que lui mène la France non seulement en Amérique mais aussi aux Indes, dans la Méditerranée ou aux Antilles et jusque sur ses côtes, la Grande- Bretagne demande la paix et reconnait l’indépendance des États-Unis d’Amérique en signant le traité de Paris le 3 septembre 1783.


Aides de camps et ingénieurs géographes à l’origine de ces plans

Les six plans présentés ci-après sont des documents originaux d’époque, des plans militaires ayant servi à l’état-major du comte de Rochambeau, général en chef du corps expéditionnaire, lors de la seconde campagne en 1781-1782. Ils ont été dressés par les ingénieurs de l’armée combinée franco-américaine, sur ordre des généraux Washington et Rochambeau, aucours des diverses reconnaissances et escarmouches qui eurent lieu pendant les sièges de New-York et de Yorktown.


Rouillac | Louis-Nicolas van Blarenberghe, La prise de Yorktown, 1786, vente 1er juin 2003, 1.200.000 €

Louis-Nicolas van Blarenberghe, La prise de Yorktown, 1786, vente Rouillac, 1er juin 2003, 1.200.000 €

Ces plans sont les toutes premières esquisses levées à vue directement sur le terrain. Nous sommes en présence de documents de travail en vue de reproduire d’autres plans plus soignés destinés à être transmis àl’état-major, au roi et à ses ministres. Ces plans qu’on qualifiera de « définitifs » sont conservés aujourd’hui en majorité par des institutions publiques : à la bibliothèque du congrès à Washington, au service historique de la Défense à Vincennes et à la Bibliothèque nationale de France à Paris. Ces six plans de campagnes militaires sont issus de la collection personnelle de Jean-Baptiste-Donatien de Vimeur, comte de Rochambeau (1725-1807), commandant en chef du corps expéditionnaire français (1780-1782), comme l’attestent les étiquettes de référence de sa bibliothèque personnelle, collées au dos de chaque plan.

En comparant les uns avec les autres, nous nous rendons compte que les plans mis en vente sont sans conteste des documents de travail. D’abord de par la qualité du papier, un papier ocre filigrané qui a une texture fragile, facile à déchirer. Les plans plus soignés ont été réalisés sur des papiers plus forts et plus « blancs ». L’état de conservation permet également d’asseoir notre analyse. Nos plans présentent tous des imperfections : des bordures irrégulières, des traces de plis et des froissures, ainsi que des petits manques, principalement dans les zones de plis. Ce qui prouve que ces documents ont été manipulés, contrairement aux plans soignés qui ne présentent aucune imperfection, du fait qu’ils étaient destinés à être conservés dans les recueils des ministères. D’ailleurs, ces plans « définitifs » ont le plus souvent été réalisés bien après les événements et ce grâce aux ébauches relevées sur le terrain, à l’instar de nos plans.

Aucun des plans présentés n’est signé. Nous n’en connaissons donc pas précisément les auteurs. Cependant, nous savons que le général Rochambeau était entouré d’aides de camp initiés à la topographie militaire tels que Louis-Alexandre Berthier, promu à l’âge de treize ans ingénieur géographe de l’école du génie de Mézières en 1766 et qui rédigea un journal de champagne illustré de plusieurs plans de campagne (Université de Princeton – New Jersey), ainsi que Maxime baron du Cromot du Bourg, dont le journal de campagne est conservé par l’Historial Society of Pennsylvania (AM. 6360).

Le comte de Rochambeau s’appuyait également sur un corps d’ingénieurs géographes aux armées commandé par Jean Nicolas Desandrouins (promu en 1751), militaires spécialisés dans les levers topographiques en temps de guerre. Tous étaient promus de la grande école d’ingénierie de Mézières : Guillaume Querenet de la Combe (promu en 1751), dont le journal est conservé à la bibliothèque d’Huntington à San Marino en Californie (mss HM 621), François Ignace Ervoil d’Oyré (promu en 1756), Jean François Caravaque et Henri Crublier d’Opterre (promus en 1764) dont le journal est conservé à la bibliothèque de l’université de Yale (GEN MSS 499), Charles Soualhat de Fontalard baron de Turpin (promu en 1767). Ces experts étaient reconnus pour leur adresse et leur dextérité à dresser des cartes très utiles aux généraux dans l’élaboration de leur stratégie. Également issu de l’école de Mézière, Jean-Baptiste Gouvion (promu en 1769), dont la vente du plan de Yorktown en 2010 a défrayé la chronique, n’était pas engagé aux côtés des troupes françaises commandées par Rochambeau mais aux côtés des Insurgents, comme La Fayette.

Dans sa thèse publiée en 2002 et intitulée « Les ingénieurs géographes des camps et armées du roi, de la guerre de Sept Ans à la Révolution (1756-1791) », Patrick Ract nous éclaire sur le travail de l’ingénieur géographe militaire en temps de guerre

« La nécessité de la topographie lors des opérations militaires n’est plus à démontrer. La carte est bien souvent l’élément décisif qui permet au général d’apprécier le terrain et d’y adapter ses vues stratégiques. Les ingénieurs géographes aux armées du XVIIIe siècle produisaient divers types de cartes, selon les besoins des officiers d’état-major. Il s’agissait autant de plans informels et de levés à vue dans le cas de reconnaissances en terrain ennemi ou de marches d’une armée que de cartes levées sur la base d’un canevas géométrique. Dans ce dernier cas, il s’agissait de cartes de camps ou de plans de bataille représentant les moments successifs d’un combat. En outre, si les circonstances le permettaient, les ingénieurs géographes militaires étaient parfois chargés de dresser la carte d’ensemble d’une région. Ces cartes de temps de guerre présentent des aspects très disparates, en raison du plus ou moins d’expérience du topographe qui les a levées mais aussi du temps dont il a disposé pour parfaire son œuvre. Certaines n’avaient de raison d’être que dans l’instant et étaient destinées à éclairer une décision ponctuelle, alors que d’autres comme les plans de bataille étaient dressées pour exalter le général victorieux.

Les ingénieurs géographes des camps et armées du roi accompagnaient le plus souvent leurs cartes des régions occupées de mémoires renseignant sur le réseau routier et fluvial, le nombre des habitants, les ressources du pays enfourrage, les richesses des villes, les mœurs des populations, etc. Ces rapports étaient donc extrêmement précieux à l’époque.
 »

Querenet de la Combe et Crublier d’Opterre ont aussi laissé à la postérité leurs journaux de campagne, dans lesquels figurent de nombreuses cartes dessinées et rehaussées de couleurs, conservés pour le premier à la bibliothèque d’Huntington à San Marino en Californie, et à la bibliothèque de l’université de Yale pour le second.


L’année 1781 : New-York ou la Chesapeake ? Le tournant décisif de la guerre d’Indépendance

Faire de grandes choses avec de petits moyens, tel était le tour de force que Rochambeau espérait réussir au cours de cette seconde campagne qui débuta au printemps 1781.

Jusqu’au début de l’année 1781, les forces alliées franco-américaines éprouvaient de grandes difficultés à s’imposer militairement face au contingent britannique, encore très implanté dans les colonies. Rochambeau était retranché entre Newport et Rhode-Island, servant de point d’appui à l’escadre française. Washington était cantonné à West Point. Entre les deux, le général anglais Clinton occupait New York, en attente de pouvoir recevoir des renforts de l’armée Cornwallis située en Virginie.

Le 8 mai 1781 après une longue traversée, le vaisseau la Concorde arrivait à Boston, ayant à son bord le comte de Barras, et le vicomte de Rochambeau apportant à son père la fâcheuse nouvelle qu’aucune seconde division supplémentaire ne lui serait envoyée de France. Mais le jeune colonel était porteur aussi d’autres avis de très grande importance. Une nouvelle flotte aux ordres du comte de Grasse avait été réunie et, venait de faire voile pour les Antilles de sorte qu’une domination momentanée de la mer allait devenir une possibilité. « Rien sans la marine prépondérante » avait écrit Rochambeau dans son cahier de notes.

Jonction des deux armées devant New York

A la fin du mois de mai, lors de la conférence de Wethersfield dans le Connecticut, le général Rochambeau proposa au général Washington de conduire le corps expéditionnaire dans les provinces du Sud, pour aider le marquis de La Fayette commandant des troupes américaines qui se trouve en grande difficulté. Mais Washington déclina l’offre et persista dans son idée de chasser de New York les Anglais, objectif plus politique que militaire, étant donné le déséquilibre des forces en présence tant terrestres que navales. Il prit pour prétexte de la saison déjà avancée et de la grande consommation d’hommes qui résulte des longues marches dans les états du sud et de la difficulté des transports par terre. En conséquence, Washington demanda au général Rochambeau d’opérer « aussi vite que possible » la jonction des armées française et américaine devant cette ville. Rochambeau s’inclina momentanément.

Un fait nouveau allait se révéler déterminant pour la suite des événements. On apprenait que, le jour même de la conférence, lord Cornwallis et Benedict Arnold avaient fait leur jonction en Virginie. La Fayette fuyait devant l’orage. Harcelé par la cavalerie de Tarleton qui montait les meilleurs chevaux de Virginie, il abandonnait Richmond. Cornwallis triomphant, exultait : « Le gamin ne peut m’échapper. ». Dès lors, Rochambeau savait déjà que tout se jouerait là-bas en Virginie et qu’il fallait conjuguer l’envoi des forces terrestres avec l’appui des forces navales, indispensables pour battre les Anglais qui avaient jusque là la supériorité maritime.

Dès le 28 mai Rochambeau adresse une missive à Grasse le conjurant d’accourir avec toutes ses forces, d’apporter tout l’argent qu’il pourrait emprunter dans nos colonies, de prendre à bord le plus d’hommes possible de nos garnisons des Antilles. Dans une lettre à Saint Simon, Rochambeauécrivit : « L’arrivée de M. le comte de Grasse peut tout sauver ». Le destin de plus d’une nation allaient se trouver pour quelques semaines aux mains d’un seul homme, et d’un homme grandement gêné par des instructions qui l’obligeaient… l’amiral de Grasse.

Dès le commencement de juin, tout était en mouvement au camp de Newport. Les troupes ne savaient pas au juste ce qui se préparait, mais c’était évidemment quelque chose d’important. Le camp est levé et l’armée est en route vers New York et le sud.

Le 6 juillet s’effectua à Philippsburg, à trois lieues de Kings bridge, premier poste de l’ennemi dans l’île de New York, la jonction des deux armées l’américaine ayant suivi la rive gauche de la rivière du nord (Hudson river). Washington profita de la présence de la cavalerie et des ingénieurs français pour reconnaître et faire lever à vue les principaux ouvrages de New-York. Qu’allaient faire les deux armées réunies ? Ou s’arrêter dans l’état de New York et assiéger cette ville : ou marcher immédiatement en Virginie au secours de Lafayette, qui luttait contre Cornwallis, nouvellement renforcé de 3000 hommes. Rochambeau voulait prendre ce dernier parti : Washington tenait toujours pour le premier.

Les arguments de Rochambeau pour convaincre Washington de partir en Virginie

Desandrouins, commandant du corps du génie de l’armée de Rochambeau, parle avec détails dans ce qui reste de son journal de campagne, de cette contestation entre les deux généraux :

« Quelques jours avant la jonction des deux armées à Philippsburg, dit-il, le comte de Rochambeau commença à être vivement inquiété dans son projet d’opérer contre Cornwallis (en Virginie), plutôt que contre Clinton (en New-York). Washington lui manda dans la nuit qu’il allait attaquer le fort Washington ; qu’il était presqu’assuré de le surprendre ; qu’il se faisait précéder par le général Lincoln avec 2000 hommes, et qu’il le requerrait de l’appuyer dans son mouvement.M. de Rochambeau se mit en marche au milieu de la nuit, mais il annonça au général américain qu’il s’y casserait le nez ; qu’il avait eu avis que Clinton avait retiré le camp qu’il avait dans Long-Island pour se porter derrière le fort Washington, et qu’il ne surprendrait rien du tout. Tout cela se vérifia. Mais le général Washington avait la tête si remplie de la réduction de la New-York qu’il ne voulut jamais consentir à faire faire aucun mouvement à son armée ni à celle de M. de Rochambeau.

Bien plus, lorsque M. de Rochambeau reçut, par la Concorde, l’avis que l’amiral Grasse allait à la baie de Chesapeake, Washington désolé voulut envoyer à cet amiral, M. du Portail pour l’engager à revenir contre New-York. Mais le général français lui représenta que les Anglais, venant de recevoir 3000 hommes de renfort, étaient inattaquables dans cette place ; que les armées français et américaines ne dépassaient pas 8000 hommes ; que M. de Saint Simon n’en amenait que 3 000, ce qui nous porterait seulement au même nombre que l’ennemi, lequel était retranché et environné de rivières ou de criques ; qu’enfin ce serait une imprudence impardonnable de tenter une expédition aussi contraire au bon sens. Washington répondait que Cornwallis ne nous attendrait pas et s’échapperait.

M. de Rochambeau lui répliqua que ce serait toujours ne pas avoir perdu son temps que de délivrer la Virginie. A la fin, il fut obligé de lui signifier qu’il était à la vérité sous ses ordres ; mais que M. de Grasse n’y était pas, et que lui ne pouvait abandonner son amiral venu sur sa propre demande, ni l’obliger à changer de dessein ; et que par cette raison il ne pouvait se dispenser de se mettre en marche incontinent avec le corps français. Mais qu’il ne crut point pourtant que ce fut pour se soustraire à ses ordres ; au contraire, qu’il l’invitait même à se mettre à notre tête, et à se faire suivre de telle partie de son armée qu’il jugerait pouvoir tirer de devant New York. Washington allégua que ses troupes avaient une si grande répugnance à aller au sud vers la Virginie qu’elles se révolteraient peut-être plutôt que d’y aller. M. de Rochambeau répondit que tout au moins les soldats de Rhode-Island, le régiment de canadiens commandé par le colonel Tigen, et la pls part des troupes du congrès suivraient les Français ; et il ajouta que s’il fallait partager l’argent de notre armée pour mettre la sienne en mouvement, il était prêt à le faire. En effet il lui prêta 50 000 écus.

Enfin Washington se laissa aller. Mais rien ne le toucha davantage que la proposition que lui fit notre général de se mettre à ses ordres. On voit par là que l’opération la plus décisive de toute la guerre est due à l’obstination et à la bonne judiciaire de M. de Rochambeau. Je tiens toutes ces circonstances de lui-même ; et je les écris le moment d’après que je les ai entendues de sa bouche.
 »

Ainsi le désaccord entre les deux généraux dura peu. L’esprit si juste de Washington se rendit à la fin aux raisons du général français.

Le départ de New York

Toutefois deux inconnues demeurent : que déciderait de Grasse ? Que ferait Clinton ? Clinton, lieutenant général d’excellent renom militaire, s’était enfermé dans New York qui n’était qu’une agglomération de maisons modestes et de jardinets n’occupant que le bas de Manhattan et n’ayant gardé à cause de la guerre que 10 000 habitants. Mais solidement fortifiée, avec libre accès à la mer par une flotte puissante, elle menaçait la route des deux armées et Clinton y disposait d’approvisionnements considérables et de troupes nombreuses aguerries Il était de la plus grande importance que Clinton ne comprit que le plus tard possible le plan réel des alliés ; tout servit à le tromper, ses dispositions naturelles et les circonstances. Sa conviction inébranlable était que la clef de la situation était New York et que le pouvoir royal en Amérique tiendrait ou tomberait avec cette cité. De là peu d’inclination à la quitter et à essayer quoi que ce fut en dehors de ses lignes de défense. Par ailleurs, les alliés n’avaient rien omis de leur côté pour confirmer le commandant anglais dans sa croyance. Ils avaient fait construire de solides fours de briques à proximité de New York comme pour cuire le pain de toute une armée pendant un long siège. Puis ce fut des reconnaissances, des marches et contremarches, des escarmouches qui semblaient le préliminaire d’opérations plus sérieuses. De Grasse fit le choix de rallier la baie de Chesapeake et décide d’appareiller de Saint Domingue le 4 août après avoir embarqué 3 300 hommes supplémentaires sous le commandement de Saint Simon. Le 15 août, Washington et Rochambeau prennent connaissance du plan de l’amiral de Grasse et décident de ne laisser en face de New York qu’un faible détachement et de se porter vers la Chesapeake avec le plus gros de leurs forces.

Dans la plus discrétion, l’armée franco-américaine leva le camp le 19 août et prit le chemin de la Virginie en marche forcée pour y arriver à la fin du mois de septembre.

Les batailles de Chesapeake et de Yorktown

Entre-temps, de Grasse remportait sur mer un succès décisif. Arrivé à la Chesapeake le 31 août, il établissait le blocus des rivières York et James et avait débarqué le corps de Saint-Simon. Puis il appareilla pour engager la bataille le 5 septembre et chasser l’Anglais. Le 11 septembre, de Grasse vainqueur revient à la Chesapeake pour trouver l’escadre de Barras qui venue de Newport et qui transporte des renforts et l’artillerie de siège, a réussi à passer derrière les Anglais pendant qu’ils se battaient contre l’escadre de l’amiral de Grasse.

Ainsi les troupes de Cornwallis, enfermées et isolées, ne pourront plus être secourues par la mer. Le 26 septembre les forces combinées de Washington et de Rochambeau arrivent à point nommé pour prendre en tenaille et encercler les troupes britanniques au Sud à York et au Nord à Gloucester. Débute alors le siège de Yorktown, colonie de Virginie où sont regroupés plus 7 500 soldats anglais, soit le quart des forces britanniques engagées dans la guerre d’Indépendance. La bataille de Yorktown se déroula du 28 septembre au 19 octobre 1781. Après 21 jours de résistance, Lord Cornwallis rendit les armes. Cette victoire fut décisive pour le camp allié. Elle renversa le rapport de force militaire et politique.

Les deux principaux belligérants, la Grande-Bretagne et la France, ruinés et épuisés par une longue lutte qui se déroulait depuis plus de 6 ans dans les deux hémisphères du globe, acceptèrent de signer la paix. Les préliminaires furent arrêtés à Paris, le 30 novembre 1782, entre les plénipotentiaires des puissances belligérantes, au nombre desquels étaient pour les États-Unis Benjamin Franklin, John Adams, John Jay, et Henry Laurens. Le traité défintif fut signé le 3 février 1783. Les Britanniques furent vaincus et durent reconnaître l'autonomie des États-Unis en 1783, en signant le traité de Paris, le 3 septembre 1783.

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