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L’ANCÊTRE DU CINÉMA PARLANT AUX ENCHÈRES UN SIÈCLE PLUS TARD

Vendredi 22 mai 2015

Agence France Presse, Denis Rousseau, photos Guillaume Souvant.

A l’heure où le jury de Cannes s’apprête à décerner la Palme d’Or, un commissaire-priseur tourangeau a annoncé la vente aux enchères de l’ancêtre du cinéma parlant, le Chronomégaphone, inventé par le Français Léon Gaumont en 1902.

Le commissaire-priseur Aymeric Rouillac pose avec le Chronomégaphone, l'ancêtre du cinéma parlant.


« C’est non seulement l’appareil le plus sophistiqué parmi ceux conservés dans des collections publiques ou privées, mais il s’agit surtout du seul qui soit resté intégralement conservé avec tous ses accessoires, petits comme grands : malles et leur contenu, affiches, ainsi que 14 +Phonoscènes+ dont sept avec disques, ainsi qu’une dizaine de films muets », s’enthousiasme Aymeric Rouillac.

Acheté au début de l’année 1912 pour 8.330 francs or (l’équivalent de deux millions d’euros), ce Chronomégaphone est estimé à au moins un million d’euros par le commissaire-priseur, qui le mettra aux enchères le dimanche 7 juin au château d’Artigny, à une quinzaine de kilomètres de Tours. L’appareil est muni d’une autorisation de sortie du territoire, précise Me Rouillac.

Réparti en quatre malles et pesant au total quelque 450 kilos, l’engin est resté jusqu’à aujourd’hui dans la famille de son acquéreur tourangeau, Charles Proust, qui avait pour ambition de faire fortune en faisant la tournée des villes du Mexique pour montrer ses «photoscènes».

Le modèle mis en vente, estampillé N°11-005, fonctionne sur courant continu de 70, 110 ou 220 volts.Le son, enregistré sur un phonographe et amplifié grâce à une pompe à air, est synchronisé avec l’image sur pellicule par un appareil baptisé «chef d’orchestre». Une cinquantaine de Chronomégaphones seulement a été fabriquée et envoyée à travers le monde, notamment en Europe, au Canada, aux Etats-Unis, au Mexique, en Inde, en Australie ou au Japon, selon l’inventeur Léon Gaumont.

Aventures latino-américaines

La première représentation à Mexico, en mai 1912, faillit tourner à l’émeute. Charles Proust n’avait pas prévu qu’il fallait adapter son appareil au courant électrique alternatif du Mexique et ne dût son salut qu’à un bricolage conçu à la hâte : la séance commence, alors que des coups de feu sont tirés dans le plafond. La projection pendant à peine plus de deux minutes et demie de « la légende du roi Gambrinus », une chanson à la gloire de la bière alors en vogue en France, est un triomphe...

L’aventure tournera court à cause de la révolution mexicaine : « l’insécurité règne et il est compliqué de se déplacer à travers le pays pour renouveler son public. De plus, l’éloignement de la France empêche l’achat et la livraison de nouveaux films parlants », raconte Me Rouillac.

L’équipe du premier cinéma parlant en Amérique latine embarque alors le 30 septembre 1912 pour Cuba où, après des présentations de films muets à Ciego de Avila (centre de l’île), le Chronomégaphone est transporté à La Havane en novembre.

Le choix de programmer des scènes d’opéra ne remporte pas un franc succès auprès du public de la capitale cubaine et, fin novembre, Charles Proust et son frère entament une tournée en province qui s’achèvera à Santiago de Cuba (est) le 23 février 1913.
Une dernière tentative est faite au Costa Rica, le 7 mars 1913 au théâtre Montecarlo de Heredia. Mais les caisses sont à sec et le Chronomégaphone rentre en France pour y dormir jusqu’à sa mise en vente en 2015, plus d’un siècle après ses aventures latino-américaines.



Dépèche reprise par : Le Point, L'Express, Le Parisien, RTL info, La Croix, Boursorama, L'Obs, TV5 Monde, midinews.com, Nice-Matin, Sen360, Francetv info, Var-Matin, Corse-Matin, Canoë...
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