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Vendredi 15 mai 2015

Gazette Drouot, Anne Foster

Paris, époque Louis XIV. Cabinet en laque à motifs or sur fond noir, dans des encadrements «fonds de poire» aventurine et marqueterie de nacre, sur un piétement en tilleul doré à sept pieds figurant des termes, vers 1670-1690, cabinet : 99,3 x 145 x 49,6 cm, h. totale : 198,1 cm.
Estimation : 1/1,5 M€.


Spectaculaire, c’est le moins que l’on puisse dire ! Le décor noir et or, rehaussé par endroits de nacre, fait défiler des danseuses et des musiciens dans des jardins et terrasses d’un palais chinois, à moins qu’il ne soit inspiré du Japon. Cependant, ce cabinet a été réalisé à Paris dans les années 1670-1690, les plus fastueuses du règne du Roi-Soleil. Les réformes administratives sont en bonne voie, et Versailles devient à partir de 1682 le siège du pouvoir, de la cour, des arts et des lettres… autant dire le centre du monde. Ce meuble, par son décor somptueux en vernis européen, la minutie des détails, le savoir-faire dont il témoigne, est probablement une commande de la cour. S’agit-il d’un présent diplomatique reçu par les souverains du Portugal ou d’un achat de Marie-Françoise-Élisabeth de Savoie, épouse d’Alphonse VI en 1666 puis de son beau-frère Pierre II deux ans plus tard, cherchant à donner un peu de lustre français à la cour de Lisbonne ? Une chose est sûre, ce cabinet se trouvait à Porto, au début du XXIe siècle, dans la demeure de José Leite da Cunha Martins Barbot de Azevedo Mavigné. Il aurait très bien pu gagner les rives du Tage dès le XVIIe siècle. Deux occasions ont pu susciter un cadeau de la France : la naissance de l’infante Isabelle, en 1669, ou un éléphant offert à Louis XIV en 1668 – et qui sera l’une des vedettes de la Ménagerie de Versailles jusqu’à sa mort, en 1681. Sur certains des tiroirs sont représentés les animaux de la Ménagerie : de nombreux volatiles tels que pélicans, autruches et demoiselles de Numidie, des cerfs et des gazelles, et même un tatou. On reste confondu devant tant de détails et la maestria du vernisseur parisien, qui a si bien saisi les techniques et l’esprit des laqueurs nippons. Selon Daniel Alcouffe, seuls Germain Massot et les Langlois père et fils pouvaient à cette époque fabriquer un tel meuble. Mathieu Langlois, officiant dès 1666 comme «ouvrier en verny», s’installe au faubourg Saint-Antoine, après quelque temps passé comme maître brodeur. Dans son Livre commode des adresses de Paris (1691 et 1692), Abraham du Pradel situe Langlois père et fils aîné rue du Faubourg en 1691, non loin de de la rue de Charonne, puis près de l’hôtel de Bel-Air, en 1692. Ils sont présentés comme réalisant des paravents et des cabinets façon de la Chine «d’une beauté singulière». Comme ceux ornés de panneaux de pierres dures en vogue à la même époque, ce cabinet fortement architecturé trouve toute sa séduction dans son ornementation, ici exotique. 

Dimanche 7 juin. Château d’Artigny, Montbazon (Indre-et-Loire).
Rouillac SVV.

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