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Vendredi 16 mai 2014

La Gazette Drouot, Anne Foster



Le Mont Fuji est l'un des symboles du Japon et cette planche est assurément l'une des plus célèbres de la série des "Trente-six vues du mont Fuji". Edmond de Goncourt, un des premiers grands collectionneurs d'estampes japonaises, la décrit ainsi dans son ouvrage sur Hokusai (1896) : "Dessin qui vous donne le coléreux de sa [la vague] montée dans le ciel, l'azur profond de sa courbe, le déchirement de sa crête qui s'éparpille en une pluie de gouttelettes ayant la forme de griffes d'animaux." Le grand maître japonais avait pourtant disparu depuis presque cinquante ans, et la série de vues datait de quelque soixante ans. Il faut bien avouer qu'Hokusai était alors passé de mode dans son pays. Une injustice réparée de nos jours. Carrière cependant conforme à celle d'un créateur du paysage par l'estampe, et éminemment novateur dans ce genre, continuant dans la lignée des représentations idéalisées héritées de la peinture chinoise. Né dans un milieu populaire, sa formation fut longue : il fit des stages chez un fabricant de miroirs, des éditeurs de romans et estampes populaires, et enfin chez des maîtres reconnus spécialisés dans les portraits - alors recherchés - d'acteurs et de courtisanes, genre où il s'illustra également. Contrairement à ses confrères, Hokusai voyagea à travers le Japon, observant la nature et les évènements quotidiens du " petit " peuple. Même dans cette planche où la courbe de la grande vague semble enserrer la célèbre montagne, il n'oublie pas les malheureux passagers des barques malmenées par la houle. Hokusai était alors âgé de 70 ans, il avait travaillé avec l'éditeur Tsutaya Jusaburo, mais pour cette série, ce fut Nishimura Yohachi qui publia ses planches pratiquement une à une, comme un feuilleton tenant en haleine ses lecteurs d'épisode en épisode. La série est la plus novatrice à l'époque - vite concurrencée par les recueils d'Hiroshige, elle n'était pas encore terminée que l'éditeur annonçait un supplément de dix vues. Le tour de force d'Hokusai fut de changer de point de vue à chaque planche, dévoilant la forme épurée de la montagne, en majesté ou à peine perceptible dans le paysage. La seule autre planche montrant une mer mouvementée est celle de Fuji vu de Kajikazawa dans la province de Kai. Dans la Grande Vague, un oeil occidental y voit l'icône japonaise du mont Fuji, sereine parmi les éléments déchaînés, un Japonais, lisant de droite à gauche, se trouvera confronté à l'écume de cette immense vague, dont la petite soeur épouse la même forme que l'ancien volcan.
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