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CES VINS DE LOIRE QUI ONT TANT DE VALEUR

Mardi 01 avril 2014

Le Magazine de la Touraine, Florian Mons

Ils n'ont pas, aux yeux du public, le lustre des Margaux ou des Laffite. Les vins de Loire sont pourtant précieux et méritent autant l'attention des amateurs. Prenons la peine de creuser la Touraine : de véritables pépites y sont cachées...

Aymeric Rouillac et Mickael Chaplin


" Les vins du Val de Loire souffrent d'un déficit d'image ", entend-on souvent dans les cercles autorises. Si ces vins n'égalent pas les cotes des productions du Bordelais ou de Bourgogne, d'autres critères que la renommée ou la valeur marchande attirent des amateurs souvent lassés d'une consommation presque pavlovienne et des prix devenus délirants des appellations les plus célèbres. La vente aux enchères d'une partie de la cave du restaurant Le Moulin Fleuri, de Veigné, le 10 février dernier, a ainsi été l'occasion d'examiner la valeur des vins de Touraine sous un autre angle.

Des amateurs « déchaînés »
Cette vente, confiée au commissaire-priseur tourangeau Me Aymeric Rouillac, devait permettre à Mickael Chaplin, le patron du Moulin Fleuri, de libérer un peu de place dans sa cave de 10 000 bouteilles aux 600 références. « Grâce au suivi informatique des ventes, j'ai constaté que nous vendions surtout des vins d'une dizaine d'années, explique le chef. Nous avions un gros stocks de bouteilles pour des années comme 76, 81 ou 86. Et comme je prévois de faire rentrer des vins produits par les jeunes générations de vignerons, il me fallait faire de la place ».

Au total, 2 000 bouteilles étaient présentes. Et si les Bordeaux, les Bourgognes ou les Champagnes étaient bien représentés, au moment de la présentation des vins de Loire, « les gens étaient déchaînes », s'enthousiasme Me Rouillac. « Les Saint-Nicolas de Bourgueil, comme les Chinon, sont recherchés. Ils sont partis sans problème, je pense notamment à un Domaine de Ligne de Couly-Dutheil ou un lot de huit bouteilles de Clos de l'Olive 1955, qui est parti à 570 euros ». Mais la vedette de la vente, ce fut aussi un Couly-Dutheil. Plus modestement, mais tout de même, un lot de douze Lamé Delille Boucard de 1978 fut vendu 350 euros et un autre de Château de Ligré, 260 euros. Dans les Montlouis, c'est la Taille aux Loup qui se taillait la part du lion avec un lot de douze « Cuvée des Loups » à 220 euros et un lot de douze moelleux de 1995 à 200 euros.
Le Vouvrillon avait aussi ses ambassadeurs un lot de « Clos du Bourg » 1995 du Domaine Huet fut adjugé 200 euros, comme le fut un « Le Mont Moelleux » 1996 du même Huet. Certes recherchès, les vins de Touraine, souffrirent tout de même de la comparaison avec ce lot de huit bouteilles de Château Margaux 1955 vendu 1 500 euros. Mais après tout, faut-il vraiment faire la comparaison ?

Chinon 1947 et Saint-Nicolas de Bourgueil 1921...
« Nous avons affaire à de vrais amateurs », estiment en choeur Mickael Chaplin et Me Rouillac. Pour eux, c'est l'attachement des acheteurs à un terroir qui transforme ces crus en trésors, à l'opposé d'un mode de consommation qui se préoccupe plus des grand noms. A ces « vrais amateurs », Mickael Chaplin réserve d'ailleurs d'autres petits trésors, qu'il cajole dans la cave du Moulin Fleuri « je reste très fidèle à la Taille aux Loups et à la maison Huet. On ne peut pas s'en passer ».
Un Vouvray 1947 de chez Huet est disponible, ainsi qu'un autre de 1921, tarifé 671 euros. Un Chinon de 1947 du domaine Faget vous coûtera quant à lui 354 euros et un Saint-Nicolas de Bourgueil de 1921 vous est proposé pour 312 euros. Ces belles bouteilles, on vient les chercher d'un peu plus loin que les frontières du Val-de-Loire. « Ce sont les Belges les plus friands des vins de la région, explique Mickael Chaplin. Ils viennent d'ailleurs d'avantage pour les vins que pour les châteaux » . Mais les Tchèques, les Anglais et depuis peu les Américains comptent également parmi ses convives.

« Les prix des Bordeaux deviennent ridicules à force d'être chers, estime Mickael Chaplin. Les gens ne veulent plus de ça et ils découvrent qu'il existe d'autres grands vins ». Changer les indicateurs de valeur, c'est aussi le souci de Jacky Biot. Le vigneron, producteur de Bourgueil (Domaine de la Butte) et de Montlouis (Domaine de La Taille aux Loups) est aussi caviste. Le « vin objet de luxe que l'on boit pour ce qu'il représente », ce n'est pas son truc « Quand un Laffite est bu en Chine par quelqu'un qui n'a jamais bu de vin, c'est comme s'il portait une Rolex sans savoir lire l'heure », ironise-til, tout en précisant que « la qualité n'est pas en cause ». « Nous avons envie de proposer des bons rapports qualité/prix et même nos Bourgogne dépassent rarement 90 euros ». Quant aux vins de Loire, ce sont les producteurs, qui « privilégient la qualité à la quantité », qui ont sa préférence, et seule cette qualité peut justifier leurs prix. Leur âge aussi, parfois, comme pour ce Lamé Delisle Boucard I959 à 120 euros ou celui de 1961 à 105 euros. De petits trésors dont la valeur vient aux oreilles d'amateurs pourtant rompus aux beaux flacons : « Pierre Arditi, un vrai amoureux du vin, ou Mick jagger nous visitent souvent... », confie Jacky Blot.

Trésors de générosité
Comme chaque année depuis huit ans, les plus beaux vins du Val de Loire attendent curieux et amateurs au Château du  Rivau au début du mois de novembre. Organisée par le cabinet Rouillac, cette vente, au profit de l'ARAPI (Association pour la Recherche sur l'Autisme et la Prévention des Inadaptations) offre en outre au visiteur le privilège des commentaires du vigneron chinonais Jean-Max Manceau et de l'artiste Jean-Jack Martin Line vente qui, depuis sa création, a permis de récolter près de 58 000 euros au profit de l'aide aux enfants autistes.

Singulière découverte...
À parler des trésors, autant évoquer les vrais, ceux qu'on déterre. Alain Chaplin, le père de Mickael - qui lui a succédé au Moulin Fleuri - a vécu une histoire dont sa cave se souvient encore. « En 1990, un ami vigneron qui avait l'habitude de me signaler des vins intéressants, m'appelle pour me signaler la vente de la cave d'un producteur décédé dont les enfants ne voulait pas prendre la succession. Sur place, surprise ' Deux caveaux murés depuis la guerre avaient été découverts. A l'intérieur, nous avons trouvé des Bourgueil de 1890, 1893, 1900 et 1921, que nous avons goûtes avec beaucoup d'émotion ».
Il reste, dans la cave du Moulin Fleuri, une bouteille de 1893 de ce Bourgueil, qui attend les « vrais amateurs amoureux » de vins de Loire. A moins que l'on préfère attendre les trésors en devenir de ces jeunes producteurs que Mickael Chaplin compte faire découvrir à ses convives le Montlouis de Lise et Bertrand Jousset ou de Xavier Weisskopf, l'AOC Touraine de Vincent Ricard ou le Bourgueil de Sébastien David Creusons, creusons.
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