2013 : ANNÉE FASTE POUR LES ENCHÈRES EN FRANCE

Le Point, Pauline Simons

Les bilans sont tombés. Cette année, sept enchères ont dépassé les quatre millions d'euros. Petit désossage des résultats et des tendances.

La province française recèle encore des trésors. Souvenez-vous, en juin dernier, à Cheverny, sous le marteau de Me Rouillac, ce coffre de Mazarin dont on avait perdu la trace depuis 1941 découvert dans une propriété du Val de Loire avait été adjugé au Rijksmuseum pour la jolie somme de 7,3 millions d'euros, établissant ainsi le record absolu de l'année 2013 pour une vente aux enchères. À Bordeaux, deux mois plus tôt, on avait vu une peinture sur soie du XVIIe siècle représentant un voyage de l'empereur Kangxi dépasser les trois millions d'euros. En totalisant 65 millions d'euros, le groupe Ivoire (12 sociétés en région) tient bien le cap.

Loin d'atteindre les records survoltés des ventes new-yorkaises, la France profite tout de même de l'internationalisation du marché de l'art, qui se traduit par un afflux d'acheteurs étrangers. "Mais la nouveauté vient cette année de l'importante proportion de vendeurs étrangers à Paris", souligne Guillaume Cerutti, P-DG de Sotheby's France et Europe. La société américaine, qui importe dans la capitale française plus de la moitié des lots, arrive, cette année, en tête du peloton, avec un total de 188 millions d'euros, talonnée par Christie's, en très légère baisse (186,5 millions d'euros). Les maisons anglo-saxonnes ont toutefois l'avantage d'une souplesse stratégique qui sert aussi le marché français. Avoir la possibilité de mettre en vedette à Paris une oeuvre d'art moderne ou contemporain qui aurait été noyée dans le flot des ventes new-yorkaises n'est-il pas un atout pour le duopole ?

L'audace des maisons française
Ces prérogatives n'ont toutefois pas freiné l'avancée du français Artcurial. Avec 123 ventes dans 20 départements, la maison du Rond-Point, qui vient d'ouvrir un nouvel espace, totalise 178,1 millions d'euros, soit une incroyable progression de 24 %. Ici, la stratégie est différente : souci de polyvalence doublé d'un sérieux ancrage dans l'art de vivre. En 2014, la maison de ventes compte encore développer ses enchères thématiques et peaufiner la seconde édition de scène 21.2, dédiée à l'art contemporain.

Du côté de Drouot, en léger recul avec 406 millions d'euros, les sociétés les plus audacieuses cherchent elles aussi à élargir le spectre : c'est à Drouot qu'est annoncée la première vente consacrée exclusivement à l'art vidéo. C'est encore à Drouot que frémit le projet d'une vacation dédiée à l'art digital. Autre point d'accroche qui devrait marquer l'année 2014 : les ventes exclusivement en ligne. On connaissait Drouot online. Cet été, Tajan, en progression de 12,5 %, a inauguré elle aussi sa première vente de bijoux uniquement sur le Net avec le but, à plus ou moins long terme, d'avoir en permanence des oeuvres disponibles. En frisant le million d'euros pour ses trois ventes de vins sur la Toile, Christie's a fait un carton. En janvier prochain, ce sera au tour de Piasa, en hausse de 33 %, d'inaugurer son OnlineOnly avec la collection American Spirit de Pierre Lescure.

Classement : les sept enchères qui ont dépassé les quatre millions d'euros en France en 2013 :

• 7,3 millions d'euros : Coffre en laque du Japon, vers 1640, ayant appartenu au cardinal Mazarin vendu au Rijksmuseum d'Amsterdam. Philippe & Aymeric Rouillac, Cheverny, 9 juin.
• 6,5 millions d'euros : Portrait de Roger Dutilleul, 1919, huile sur toile par Amedeo Modigliani. Sotheby's, 4 décembre.
• 6,1 millions d'euros : La Rivière, 1938-1943, sculpture en plomb d'Aristide Maillol. Record mondial pour une oeuvre de l'artiste. Artcurial, 2 décembre.
• 5,7 millions d'euros : Crown Hotel (Mona Lisa Black Background), 1982, acrylique et collage de papier par Jean-Michel Basquiat. Record pour l'artiste en France. Sotheby's, 5 juin.
• 4,7 millions d'euros : Nu debout, 1953, huile sur toile de Nicolas de Staël. Troisième meilleur prix pour une oeuvre de l'artiste. Artcurial, 3 juin.
• 4,65 millions d'euros : Cortège de l'impératrice Wu Zetian, encre et polychromie sur soie, Chine, époque Tang, VIIIe siècle. Thierry de Maigret, Drouot Richelieu, 19 juin.
• 4,01 millions d'euros : Deux pleurants en albâtre sculpté, provenant du tombeau de Jean de France (1340-1416), duc de Berry. Christie's, 8 novembre.