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D'AZAY À ISAURE

Dimanche 11 mars 2012

Le Magazine de la Touraine, Sébastien Drouet



C'est une période dorée de l'histoire de la Touraine que les curieux sont invités à découvrir (et à acquérir), par objets inerposés, le 18 mars prochain, à l'hôtel de l'Univers: ce jour-là, maître Aymeric Rouillac procédera à la vente de 150petits trésors, dont certains ont été conservés, sous le Second Empire, à Azay-le-Rideau. Objets inanimés, vous avez donc une âme!

Par Sébastien Drouet

"D'Azay à Isaure » : c'est le joli titre qu'Edmond de Mauléon a trouvé pour définir la vente aux enchères qui disper- sera, le 18 mars prochain, une grande partie des objets chargés d'histoire qu'il abritait jusqu'à présent chez lui, à la· Bédouère. Un domaine que nous avions présenté dans Le Magazine de la Touraine no 116. C'est là que vit, entourée d'animaux, Isaure, la fille d'Edmond et Sabine, trop jeune - elle n'a pas deux ans - pour comprendre la riche his- toire qui la précède. Car d'Azay à Isaure, plus de deux siècles se sont écoulés...

C'est en 1791, en effet, que les Biencourt, dont descendent les châtelains de Cérelles, prennent possession du château d'Azay- le-Rideau. Ils y resteront pen- dant un siècle, jusqu'en 1898. Pendant cette période, les objets -vaisselle haut de gamme, livres aux armes de la reine de France ou recelant des ex-libris, et autres - vont s'accumuler. Des pièces plus ou moins rares, que l'on retrouvera lors de la vente du 18 mars. « Ces objets évoquent la vie de château et les arts de la table, déclare maître Aymeric Rouillac, qui conduira la séance. Certains sont exceptionnels, comme ce confiturier de voyage. Et regardez cette vaisselle estampillée Compagnie des Indes ! Elle était fabriquée en Chine, et vendue en- suite en Europe par l'intermédiaire de la célèbre compagnie. D'autres sont tout à fait uniques, tel le registre des visiteurs du château de Biencourt ayant perdu, au pendant tout le Second Empire : tournant du nouveau siècle, ses le roi d'Espagne, Goüin Schneider, deux fils dans des circonstances des notables, des Américains, dramatiques - l'un, officier, des artistes, chacun signant et est mort de maladie durant la précisant, la plupart du temps, sa fonction, souvent éminente. »

Au profit de la Légion guerre du Tonkin. « En leur mémoire, déclare M. de Mauléon, puisqu'ils auraient aimé vivre au château d'Azay-le-Rideau, une partie du produit de la vente sera remise par mon neveu, qui souhaite embrasser la carrière militaire, à la Légion étrangère, pour aider les anciens légionnaires qui ont des difficultés. Une façon de remercier, Edmond de Mauléon, parent du marquis de Biencourt,

Un large pan d'histoire se dévoile au fur et à mesure que l'on examine les objets, que l'on compulse les ouvrages, dont certains n'ont jamais été ouverts. Nous en étions restés au Second Empire ; en franchissant trois décennies, nous ouvrons l'un ayant en quelque sorte reçu des chapitres les plus intéres- les précieux objets d'Azay qui sants de cette vente un peu par- auraient dû revenir aux deux ticulière, mais aussi l'un des plus soldats décédés trop tôt, à la fin émouvants, le dernier marquis du XIX• siècle.

Reprenons la saga familiale. Si le marquis se retrouve sans descendant direct, ses malheurs ne s'arrêtent pas là : ruiné, il doit vendre le château en 1899 (le monument, vide, finira dans les escarcelles de l'État en 1905). Mais s'il se sépare d'une partie du mobilier, il emmène tout de même avec lui, à Paris, les pièces les plus rares, que l'on retrou- vera à l'hôtel de l'Univers le 18 mars... Sans héritier direct, il fait de Marguerite de Biencourt, sa nièce, sa légatrice. Et soudain, l'histoire rebondit !

Seigneurs de la chasse

Le fonds ridellois constitue une partie de la vente. Mais la collection présentée à l'hôtel de l'Univers sera enrichie d'objets de famille provenant d'une autre source. En effet, issue des Montmorency, Marguerite de Biencourt va épouser Edmond de Poncins, le châtelain de Montevran. Un château situé à Chaumont-sur-Tharonne, en Sologne, qui n'existe malheureu- sement plus, mais par lequel ont transité les objets d'Azay.

Poncins est un aventurier avant tout. Mais pas n'importe lequel : un chasseur de classe internationale qui, à 25 ans, avait déjà fait le tour du monde, fusils en mains. Pas n'importe quels fusils non plus : deux « Rolls-Royce », comme les présente maître Rouillac, que nous retrouverons à l'hôtel de l'Univers, puisque ces deux fusils anglais Purdey and Sons, tout à fait fonctionnels, seront mis à prix à partir de 10 000 € la paire. « je m'en sépare car je ne chasse plus, précise Edmond de Mauléon, lointain neveu du légendaire chasseur qui n'a pas eu d'enfant je n'aime plus la chasse telle qu'elle se pratique aujourd'hui. j'ai choisi de vivre avec les animaux. Et je souhaite que ces fusils servent à quelqu'un d'autre. » De préférence à un seigneur de la chasse, comme l'était Edmond de Poncins, dont le public pourra admirer (et acheter !) d'étonnants trophées photographiques : les images des animaux qu'il a tués au combat - comme ce tigre du Bengale, dont il est venu à bout le 16 mai 1894 après plusieurs jours de traque- avec, au dos, la chasse précisément décrite par le noble aventurier. "Je n'ai jamais vu cela, avoue Aymeric Rouillac. Nous avons là 50 trophées photo- graphiques, 50 chasses racontées par le principal intéressé. »

Ainsi, d'Azay à Isaure, une longue histoire s'est écoulée. Devant nous, la petite descen- dante des Biencourt se penche sur la maquette du château, qui sera vendue en toute fin de séance, comme s'il s'agissait d'une maison de poupées. Le symbole est fort, et attendrissant...

Infospratiques

Vente aux enchères le dimanche 18 mars, à l'hôtel
de l'Univers, 5, boulevard Hemteloup à Tours, à 14h30.
Conférence le samedi 17 mars à 15 h, au même endroit.
Exposition le 17 mars, de 11 h 30 à 17 h et le 18 mars de 10 h à 12 h.
Catalogue consultable en ligne sur www.rouillac.com.
Un documentaire consacré au travail de maître Rouillac, et notamment à la préparation de cette vente aux enchères, sera diffusé à la rentrée de septembre sur Arte.
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