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Jeune Peintre et Femme témoin

Dimanche 26 octobre 2025

Yvonne Mottet (1906-1968)

Si le nom d’Yvonne Mottet est aujourd’hui éclipsé par celui de son mari le peintre Bernard Lorjou, il n’en allait pas de même à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. Souvent associée à ses motifs luxueux créés pour les ateliers de soieries Ducharne à Lyon, dont elle est originaire, elle mène également une activité picturale pionnière. Elle participe ainsi au Manifeste de l’Homme Témoin en 1947 aux côtés de peintres et de critiques d’art tels que Jean Bouret, Bernard Lorjou, Paul Rebeyrolle, Gaston Sébire, Michel Thompson, Michel de Gallard, Bernard Buffet, André Minaux et Simone Dat, donnant naissance au mouvement de la Jeune Peinture.

Une pionnière du renouveau de la peinture figurative

Mottet participe au renouveau de la peinture figurative d’après-guerre, se nourrissant des influences de Van Gogh dans Femme assise, fond jaune ou dans son Portrait de femme, mais aussi de Cézanne, avec Le Poisson (vers 1950), qui n’est pas sans rappeler les œuvres de jeunesse du maître d’Aix. L’influence du cubisme, en particulier celui de Picasso, est également perceptible avec son Étude de personnage, qui évoque les portraits de Dora Maar. La couleur y occupe une place prépondérante : elle structure les formes et donne vie aux toiles. Le dessin, bien qu’encore présent en filigrane, s’efface au profit de la couleur, ainsi qu’en témoigne La Galette des Rois. À la manière des grands maîtres du début du XXe siècle, la couleur insuffle ici toute leur vitalité à ses toiles.

Peindre l’enfance et l’avenir du monde

Son œuvre, prolifique, embrasse tous les genres, même si elle accorde une place singulière au portrait, notamment ceux d’enfants. Ses tableaux permettent à la fois d’évoquer la vie, le passage du temps, mais aussi de faire entendre sa sensibilité écologique comme dans Mathieu ou L’Indienne. La violence des couleurs et les teintes employées y délivrent un message sur les dangers que les atteintes à l’environnement font peser sur l’avenir, symbolisé ici par les enfants. Vivant sur les bords de la Loire près de Blois, elle célèbre encore la jeunesse dans des tableaux plus joyeux. Dans La Deb, peint à la fin de sa vie, la tenue de princesse du bal des débutantes permet de retrouver les joies et l’insouciance de cet âge. Son œuvre, marquée par des stylisations proches du cubisme et une certaine candeur portée par des couleurs franches et une expressivité immédiate, reste toujours profondément figurative.

Reconnaissance officielle

Reconnue de son vivant, elle reçoit de nombreux prix, dont le Prix de la Critique en 1953, et participe à de nombreuses expositions : à la galerie Wildenstein à Paris, au théâtre du Parvis à Bruxelles, chez Vercel à New York, au Salon d’Automne et à celui des Indépendants. Ses œuvres intègrent de prestigieuses collections privées, comme celles de Georges Wildenstein, de George et d’Adèle Besson ou du Duc et de la Duchesse de Windsor, mais aussi des institutions : le Musée d’Art Moderne de Paris ou le Musée des Beaux-Arts de Besançon. Emportée par une leucémie, elle laisse derrière elle une œuvre prolifique à laquelle rend un hommage posthume le musée des Beaux-Arts d’Orléans en 1968.

Plus de quarante œuvres à (re)découvrir

Cette rétrospective, avant l’ouverture de l’Hôtel Dieu à Blois où sera montrée prochainement la donation de ses œuvres et de celles de Lorjou, est l’occasion de prendre conscience de l’importance de son travail, qu’il convient aujourd’hui de réintroduire en tant que femme et en tant que peintre dans la grande Histoire de l’Art. Son mari reconnaissait d’ailleurs : « Dans l'exercice de notre art, elle était toujours très en avant de nous tous. »

Nicolas Cléry
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