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Les œuvres inédites de la 37e vente Garden Party des Rouillac

Vendredi 06 juin 2025

Le magazine des enchères, Diane Zorzi

La 37e édition de la très attendue Garden Party des Rouillac se tiendra les 8 et 9 juin au Château de Villandry en Touraine. Plus de 400 lots, provenant de collections privées, seront présentés, dont des œuvres inédites, à l’instar de deux bustes de l’Ecole romaine du XVIIe siècle, d’une vue de Notre-Dame de Paris peinte par Maurice Utrillo et d’une palette de Camille Corot demeurée dans la même collection depuis plus de 150 ans. Visite.

Deux bustes de philosophes de l’Ecole romaine du XVIIe siècle

Cette paire de bustes en bronze, d’une qualité exceptionnelle, sommeillait depuis plus d’un siècle dans un château de la Loire. Représentant deux philosophes au réalisme saisissant, ces deux bustes témoignent avec éclat de la sculpture romaine de la seconde moitié du XVIIe siècle. Longtemps attribués au sculpteur Pierre Puget (1620–1694), ils ont été récemment écartés du catalogue raisonné de l’artiste publié en 2023 par Klaus Herding et sont désormais attribués à un sculpteur romain anonyme, probablement proche d’Algardi, du Bernin ou de Mochi. Deux paires similaires, conservées dans les collections du prince de Liechtenstein et du musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, suggèrent l’existence d’un petit corpus cohérent, vraisemblablement issu d’un même atelier.

Ces œuvres s’inscrivent dans le contexte artistique de la Rome de la Contre-Réforme, une période marquée par une intense activité artistique soutenue par la papauté et les grandes familles aristocratiques. La statuaire en bronze connaît alors un essor considérable, porté par le goût renouvelé pour l’Antique et le développement du collectionnisme. Des artistes tels qu’Alessandro Algardi, Ippolito Buzzi ou Giovanni Antonio Mari se consacrent autant à la restauration d’œuvres antiques qu’à la création de nouvelles figures inspirées des modèles du passé.

Ici, deux hommes – l’un dans la force de l’âge, l’autre plus âgé – se font face, comme engagés dans un dialogue intellectuel, rappelant la tradition antique de la transmission intergénérationnelle du savoir. Le traitement plastique – la précision des iris, le modelé nerveux des chairs, la tension des traits – traduit une volonté commune de saisir l’apparence physique, l’état d’âme et l’intensité psychologique des modèles. L’influence des traités de physiognomonie, tels que le De humana physiognomonia de Giambattista della Porta (1586), est manifeste dans l’attention portée aux émotions et aux expressions du visage. Ces bustes s’inscrivent en outre pleinement dans la tradition du portrait all’antica, réinterprétée par les artistes romains du XVIIe siècle. Ils représentent un jalon rare et précieux de la sculpture baroque et sont appelés à rejoindre une collection d’exception.

Une rare vue de Notre-Dame de Paris peinte par Maurice Utrillo

Maurice Utrillo (1883-1955) a consacré une part importante de son œuvre à la représentation d’édifices religieux. Dès les années 1910, il s’intéresse aux architectures sacrées, des grandes cathédrales comme Notre-Dame de Paris aux modestes églises de banlieue. En témoigne cette vue de La Flèche de Notre-Dame de Paris datée de 1919. Peinte depuis le jardin de l’archevêché, elle offre une perspective originale sur l’édifice, dévoilant le chevet de la cathédrale où se détachent la flèche conçue par Viollet-le-Duc au XIXe siècle, ainsi que les tours et le transept nord. L’édifice émerge, comme par miracle, au sein d’une végétation abondante.

Cette toile inédite illustre une phase de transition dans la carrière d’Utrillo. Alors qu’il s’éloigne progressivement de sa « période blanche », caractérisée par des couleurs sobres et des contours précis, sa palette devient plus nuancée et sa touche plus libre. À cette époque, l’artiste enchaîne les séjours en clinique psychiatrique rue de Picpus, tandis qu’il triomphe aux enchères et dans les galeries, bénéficiant du soutien de marchands influents qui facilitent la diffusion de ses œuvres hors de Montmartre. Ainsi, cette année-là est-elle marquée par sa deuxième exposition personnelle, chez Lepoutre, rue de La Boétie.

Une palette de Camille Corot conservée depuis plus de 150 ans dans la même collection

Cette palette fut offerte en 1873 par Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875) à son ami Georges Rodrigues-Henriques (1830–1885), et demeurait depuis dans la même collection. A cette époque, Corot profite de séjours réguliers au sein de la propriété de son ami, le château des Lions à Port-Marly. Agent de change et peintre amateur, Georges Rodrigues-Henriques accueille avec générosité ses amis artistes – Charles Daubigny, Eugène Delacroix, Alexandre Dumas ou Eugène Labiche y sont des habitués. En août 1872, Corot y séjourne une dizaine de jours. L’artiste, alors à l’apogée de sa carrière, fera un an plus tard don à son ami de sa palette.

Au contraire de ses palettes d’atelier, celle-ci, comparable à une autre palette de 1855 conservée au musée du Louvre, n’est pas recouverte de traces de peinture, tandis que le vide réservé au pouce est habilement comblé par une toile figurant un personnage. Corot l’utilisa comme un support à part entière, pour accueillir son Dante et Virgile sur un fond japonisant. Ce tableau, présenté au Salon de 1859, provoqua l’admiration rétrospective de Corot qui décida de proposer à l’État français d’en faire l’acquisition. Mais le projet échoue en 1874 et l’œuvre est incluse dans la vente posthume de la succession Corot, organisée à l’Hôtel Drouot à Paris les 26, 27 et 28 mai 1875. Elle y est finalement acquise pour 15 000 francs par Alexis-Eugène Détrimont, agissant pour Quincy Adams Shaw qui l’offre au Museum of Fine Arts de Boston, où elle est toujours conservée.
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