Peintures de vases antiques vulgairement appelés étrusques
Mercredi 29 janvier 2025
par Aubin Louis Millin de Grandmaison

Aubin Louis Millin de Grandmaison (1759-1818)
Peintures de vases antiques vulgairement appelés étrusques, tirées de différentes collections et gravées
par A. Clener. Accompagnées d'explications par A.L. Millin.Paris, Pierre Didot l'Aîné. 1808-1810.
Très grand in-folio (595 X 435 mm). Cartonnage rouge de parution, titré au dos "Peintures de vases antiques".
Tome I : (Faux-titre, titre gravé), (2 ff), XX pages, 124 pages et 72 planches - dont 3 doubles - gravées sur cuivre, très finement rehaussées au pinceau, exceptée la 72ème qui est en noir.
Tome II : (Faux-titre, titre gravé), 146 pages et 78 planches - dont 3 doubles - gravées sur cuivre, très finement rehaussées au pinceau, exceptée la 78ème qui est en noir. Serpentes de Chine.
Impression sur papier vélin, exempt de rousseurs. Coloris de toute fraîcheur.
(défauts aux coiffes des deux volumes ; la garde volante et le faux-titre du tome I sont décousus ; pli vertical sur la garde volante et le faux-titre du tome I ; pli vertical sur les planches XXIII, LXX et LXXI du tome II ; pli dans l'angle inférieur des figures sur les planches XXIV à XXVII du tome II ; la plupart des serpentes déchirée ou froissée)
Ce somptueux ouvrage, dédié par l'éditeur, Charles-Marie Dubois Maisonneuve (Tours 1772-1838), à "Sa Majesté l'Impératrice-Reine", décrit et reproduit environ 120 vases dits "Etrusques" appartenant à des collections privées, dont une trentaine appartient d'ailleurs à Joséphine elle-même. Ces vases de céramique peinte ont été trouvés dans l'ancien territoire d'Etrurie, qui allait de la plaine du Pô jusqu'à Naples et Pompei, d'où leur nom "vulgaire" d'étrusque : ils sont en fait de facture grecque, soit créés dans des ateliers de la Grande Grèce, soit importés de Grèce en échange de métaux et de blé, du VIIe au Ve siècle avant notre ère.
Découverts en grand nombre à la fin du XVIIIe siècle - entre autres à Pompei - puis pendant "la décénie française" de présence au Royaume de Naples, aussitôt reproduits dans quelques ouvrages de grand luxe, ils lancent la vogue de l'étruscomanie, dès avant l'égyptomanie, et contribuent à l'avénement d'un nouveau style, inspiré de l'antiquité. Le chef de file du néo-classicisme pictural, Jacques-Louis David, se rend à Pompei en 1779 et s'en souvient trente ans plus tard : "Il me sembla qu'on venait de me faire l'opération de la cataracte"...
Les deux volumes des " Peintures de vases antiques vulgairement appelés étrusques" sont tirés à 300 exemplaires, dont quelques dizaines seulement sont rehaussés de gouache et d'aquarelle par des artistes de très grand talent.
Leur éditeur, le Tourangeau Charles Marie Dubois-Maisonneuve (1772-1838), lui-même élève de David, les place dans la lignée de la "Collection des antiquités étrusques, grecques et romaines tirées du Cabinet de M. Hamilton", par M. d'Hancarville, publiée à Naples en 1766-1767. Il affirme son ambition dès les premières pages de l'Avertissement :
"Désirant que l'exécution typographique portât le cachet du siècle des ouvrages magnifiques, nous avons fait fabriquer exprès, à Courtalin, un superbe papier vélin qui offre un vase étrusque dans le filigrane, afin que confié aux presses célèbres de M. Didot l'Aîné, cet ouvrage imprimé à 300 exemplaires seulement fasse ressortir de nouveau, mais dans un bien plus grand format, les beaux caractères de son Virgile in-folio. (...) Nous avons mis tous nos soins à faire exécuter des gravures coloriées au pinceau avec un soin particulier ; et par un procédé qui n'avait pas encore été employé dans les ouvrages de ce genre, on conserve, comme sur des dessins, le fond du papier pour mieux rendre les chairs blanches, les attributs et autres ornements rehaussés de jaune que l'on rencontre fréquemment sur les vases. (...)
Si l'on réfléchit au soin qu'il a fallu donner pour parvenir à une aussi belle exécution, on ne sera pas étonné du prix auquel s'élève l'exemplaire colorié : aussi les amateurs n'ont-ils pas été arrêtés par ce motif, et nous ne doutons point que le petit nombre que nous avons fait exécuter soit bientôt épuisé."
Cependant, malgré l'exceptionnelle qualité des peintures, les souscripteurs assez fortunés pour acheter un des exemplaires en couleurs furent probablement moins nombreux qu'espéré, et Dubois-Maisonneuve fut contraint de faire cette proposition : "Ceux qui n'auraient que l'exemplaire en noir et qui voudraient faire les frais des gravures coloriées pourront se les procurer moyennant 750 francs, ou les deux tiers de l'exemplaire colorié. En joignant les gravures au trait à celles coloriées, on peut détacher de ces dernières pour les faire encadrer et en décorer des appartements".
Proposition parfaitement scandaleuse, certes - mais que certains jugeront pardonnable, tant on peut rêver de vivre dans de tels décors.
(Blackmer collection, "Greece and the Levant", n°1129. Cicognara :"Bibliografia dell’ archeologia classica e dell’ arte italiana", n°645.)
