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Commode de La naissance de Vénus

Dimanche 02 mars 2025

attribuée à Nicolas Sageot

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Attribuée à Nicolas Sageot (Français, 1666-1731), Commode dite "Mazarine", vente Rouillac, Artigny, 4 juin 2023, n°70
André-Charles Boulle, Commode, 1708, Versailles, château de Versailles, (VMB 14279.1)
Attribuée à Nicolas Sageot, Commode, Londres, Wallace Collection, (n°F408).
Nicolas Sageot, Bureau Mazarin, Paris, Petit Palais, n°ODUT1500.

Commode de La Naissance de Vénus

Marqueterie dite "Boulle" en première partie de laiton sur fond d'écaille.
Elle ouvre par quatre tiroirs en façade de forme mouvementée, àn décor de cartouches, grotesques papillons et oiseaux ; le plateau est orné d'une scène de la Naissance de Vénus sous un dais et de lambrequins associé à un riche décor de singes, animaux fantastiques, grotesques et rinceaux. Les côtés reprennent des personnages de la Commedia del Arte d'après Jean Bérain.
Riche ornementation en bronze doré, notamment poignées de tirage et sabots.
Roulettes.

Haut. 91,5 Larg. 130,5 prof. 70,5 cm.
(restauration complète par l'atelier Marie Hélène Poisson, château de Frétay, Loir-et-Cher, 2023-2024)

Provenance : collection Ernest Pariset (1826-1912), Lyon ; par descendance familiale.

Fils d'André André-Aimé Pariset, gouverneur de la Guyane à l'origine du projet de loi sur l'abolition de l'esclavage, Ernest Pariset est l'un des soyeux et historiens lyonnais les plus en vue de son temps. Cette commode est transmise à son décès à l'un de ses quatre enfants et est depuis restée dans sa descendance.

Bibliographie : Gérald Dubois, "Le château de Frétay et l'atelier Marie-Hélène Poisson", Frétay, 2024. Commode reproduite en pleine page p. 110.

Œuvre en rapport :
- décor comparable sur une commode réalisée vers 1710, Wallace Collection (n°F39) ;
- même décor sur les côtés et en façade sur une commode dans la vente Rouillac, château d'Artigny, 4 juin 2023, n°70 ;
- même décor de commedia del Arte sur les côtés (en première prtie) et en façade, avec des tiroirs à deux compartiments, attribuée à Nicolas Sageot sur une commode dans la vente Caen enchères, Caen, 8 mai 2021, n°45 ;
- une commode comparable à la précédente, avec le même décor de commedia del Arte estampillée Nicolas Sageot dans la vente Tajan, Paris, 20 décembre 1994, n°35.

Une nouvelle typologie de meuble : la commode

Le 28 octobre 1695 est livré au château de Marly par l’ébéniste Renaud Gaudron une « table en bureau » appelée à connaitre une postérité extraordinaire dans l’histoire des arts décoratifs. Ce meuble sera en effet par la suite nommé « bureau en commode », puis adoptera le simple nom de « commode » lorsqu’un autre ébéniste, André Charles Boulle en livrera un exemplaire au Grand Trianon en 1708 (VMB 14279.1). Large meuble fonctionnel à tiroir, ses surfaces planes sont propices à un riche décor, qui se pare ici d’une marqueterie d’un genre nouveau, mélangeant le laiton, l’ébène ou l’écaille et parfois d’étain. On parle de marqueterie métallique d’écailles et de laiton ou plus communément « de marqueterie Boulle ».

La « marqueterie Boulle » apparaît dès les années 1685, portée par le Premier ébéniste du Roi André-Charles Boulle à qui l’on en attribue généralement l’invention. Toutefois, il n’en n’a pas l’apanage puisque d’autres ébénistes ont également recours à cette technique comme Jean-Alexandre Oppenordt ou Nicolas Sageot, dont il est parfois difficile de séparer les œuvres compte tenu du fait qu’ils employaient le même marqueteur, Toussaint Devoy. Cette technique permet de réaliser deux décors de marqueteries à la fois. On parle alors de composition en première partie avec des incrustations de laiton sur un fond d’écailles et à l’inverse de contrepartie avec le même décor inversé d’écaille sur fond de laiton. Il est donc possible de retrouver le décor de notre commode en négatif sur le plateau d’une autre commode dans une autre vente aux enchères (Deburaux Du Plessis, Paris, 30 nov. 2021 n°290)

Son décor s’inspire des gravures de Jean Bérain dessinateur de la Chambre et du Cabinet Roi, dont le recueil, « Oeuvres de Jean Berain recueilli par les soins du sieur Thuret », est publié en 1711. Il trouve son inspiration dans le monde italien, avec ses grotesques et ses rinceaux réinterprétés des modèles antiques préfigurant le style rocaille. Il reprend ainsi des modèles issus de la Renaissance italienne avec la Naissance de Vénus, dont on retrouve des interprétations chez Botticelli ou Vasari, mais aussi des personnages de la Commedia Dell’Arte, créée au XVIe siècle et beaucoup apprécié par Louis XIV.

Malgré l’absence d’estampille sur ce meuble, il est possible d’y voir la main de Nicolas Sageot (1666-1731). Reçu maître en 1706 et installé comme ouvrier libre au Faubourg Saint-Antoine, il est un des premiers à estampiller certains de ses ouvrages. Ainsi notre commode peut être comparée à celle de la Wallace Collection à Londres (n°F408), avec les mêmes personnages de la Commedia Dell’Arte sur les côtés. On note également les points communs entre certains motifs de vases de fleurs, de grotesques et de personnages fantastiques sur son plateau avec ceux figurant sur un bureau Mazarin estampillé de Nicolas Sageot conservé au musée du Petit Palais à Paris (n°ODUT1500). Enfin, le panneau de la naissance de Vénus se rapproche de celui que l’on retrouve sur le plateau d’une autre commode estampillée de Nicolas Sageot autrefois dans les collections de Earl of Lincoln à Clumber Park (vente Christie’s 16 décembre 1999 n°50).

Ainsi, ce meuble d’exception, parfaitement restauré dans les règles de l’art par l’une des plus habiles artisan de notre temps, récemment redécouvert dans une vieille collection lyonnaise dont l’ancêtre est à l’origine de l’abolition de l’esclavage en France a-t-il trouvé une nouvelle jeunesse et s’apprête désormais à rencontrer son nouvel écrin !

Nicolas Clery
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