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Un porte-turban de fin de ramadan

Samedi 29 mars 2025 à 07h

Cette semaine, Roger l’un de nos fidèles lecteurs, nous interroge sur ce qu’il présente comme un « reliquaire moyen-oriental ». L’occasion pour Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur ce meuble.



Ce dimanche 30 mars, les musulmans fêteront la fin du mois lunaire du Ramadan. Cette date qui marque la fête de l'Aïd el-Fitr est synonyme de fin de la période de jeûne. Le Ramadan est particulièrement important dans la foi musulmane puisqu’il constitue l’un des cinq piliers de l’Islam.

L’objet de cette semaine est un meuble d’applique, c’est-à-dire qu’il doit être fixé à un mur. En bois exotique, il est incrusté d’étoiles à six branches et de losanges blancs, peut-être en ivoire mais plus vraisemblablement en os. La construction architecturée à deux niveaux reprend la forme d’une façade de bâtiment avec des colonnes baguées supportant des arcs polylobés. Ces arcs en nombre impairs forment le décor des arcades. On note aussi l’utilisation de pinacles sur les différentes arêtes, ainsi que des terrasses simulées à l’aide de galeries ajourées supportées par des balustres. L’ensemble du meuble est décoré de rinceaux et d’entrelacs, de façon à ce qu’aucune partie du meuble ne soit laissée nue. Enfin, une aquarelle figure un homme tenant une lanterne pour guider un groupe lors d’une procession religieuse.

Votre meuble, Roger, a vraisemblablement été réalisé au proche orient, entre la Syrie et le Liban. L’utilisation d’arcs polylobés, devenue indissociable de l’architecture du monde islamique, fut en effet développée par la dynastie des Omeyyades installée à Damas au VIIe siècle avant de se répandre dans le reste du monde musulman, jusqu’en Andalousie. La technique utilisée pour l’incrustation des décors en os est celle de la marqueterie. Cette technique est toujours développée à Damas, où des artisans que j’ai eu l’occasion de rencontrer maîtrisent cet art à merveille. Il consiste à incruster des fragments d’os, d’ivoire, de nacre ou d’autres matériaux sur une base de bois. En ce qui concerne l’image, il s’agit vraisemblablement d’une image liée à la symbolique de la lanterne, source de lumière repoussant les ténèbres et guidant le croyant. Le port du turban comme celui représenté ici revêtait un caractère important dans la tenue traditionnelle syrienne comme égyptienne, dominés par les Ottomans turcs jusqu’à la fin du XIXe siècle. Portés par l’ensemble des hommes, indépendamment de leurs croyances, le choix de couleur du turban les distinguait, le blanc étant réservé aux musulmans.

En ce qui concerne la fonction de ce meuble, il y a peu de chance qu’il s’agisse d’un reliquaire, les musulmans étant peu amateur de relique. Il s’agit plus probablement d’un Kavukluk, c’est-à-dire d’un porte-turban ou d’une étagère murale à vocation décorative.

Les photographies ne nous permettent pas de dater cette œuvre avec précision ; elle semble avoir été réalisée entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. On pourrait alors l’estimer entre 100 et 300 euros de quoi célébrer fastueusement la fin du Ramadan !
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