Une scène d’amour pour la Saint-Valentin
Samedi 15 février 2025 à 07h
Cette semaine, Baptiste soumet un tableau à notre expertise. C’est l’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire davantage sur l’histoire et la valeur de cette œuvre.

Votre œuvre, cher lecteur, représente une scène galante, thème très apprécié au XVIIIe siècle.
En effet, nous pouvons distinguer au premier plan une grande barque flottant sur l’eau, entourée de nénuphars et de roseaux. En arrière-plan se dessine un paysage lacustre avec sur l’autre rive une forêt et une maison au bord de l’eau. Trois personnages sont présents dans cette barque : à droite, un jeune couple se regarde passionnément, leurs visages langoureux se rapprochent. La jeune femme tient fermement la rame à deux mains, tandis que le garçon l’appréhende de sa seule main gauche.
Vêtue d’une robe bleu clair ornée d’une petite rose. Cette tenue aux couleurs douces illustre la mode vestimentaire de la fin du XIXe siècle. Cependant, sa coiffure vient contraster avec cette robe. En effet, les cheveux détachés tombent sur ses épaules, ce qui est surprenant pour une époque où les jeunes femmes de bonne famille avaient pour coutume d’attacher leurs cheveux. Cela peut s’expliquer par le fait que, sur l’eau, la canotière ne s’embarrasse d’aucune règle morale de la société, et serait donc un symbole d’affranchissement et de liberté.
Le jeune homme quant à lui est vêtu d’un costume de marin, vêtement typique des premiers rameurs de canots ; visible comme celle représenté dans le célèbre tableau « En Bateau », d’Edouard Manet peint en 1874. Le canotage naît véritablement sous la monarchie de Juillet. Ce mot est un néologisme qui apparait à Paris dans les années 1840 pour désigner une promenade en canot. La mode du canotage se répand largement dans la société, l’eau et le canot devenait nécessaires à la parade amoureuse de parisiens, illustré par des peintres tel Manet et le plus célèbre Auguste Renoir mais aussi par des écrivains, comme Maupassant ou de Nerval.
Le troisième personnage est une jeune femme vêtue d’une robe rose pâle et d’un châle qui pend le long de la barque. Elle se distingue du couple de par les coloris de ses vêtements : les siens ont une dominante de rose, sur sa coiffe comme sa robe, alors que les vêtements des « amoureux » ont des dominantes de la gamme bleue.
De plus, le regard de la jeune femme est fuyant, comme si elle voulait laisser le couple dans son intimité. Elle se penche vers l’eau pour cueillir une fleur de nénuphar, symbole de l’amour dans la civilisation grecque. Plus précisément, cette fleur aquatique représente la pureté, la beauté et la dévotion, des adjectifs qui peuvent désigner l’idéal féminin.
Concernant la technique ; cette œuvre relativement petite de format A4 (30 x 20 cm) est-elle une peinture originale, un pastel, une aquarelle ou une reproduction comme l’affectionne le XIXe siècle avec les lithographies en couleur voire le procédé économique du chromo ? Un examen visuel est nécessaire.
Votre œuvre ne présente pas de signature et l’absence de photo du revers nous empêchent de l’attribuer précisément à un artiste. Elle est certainement peinte par un petit maître qui prolonge la veine de la peinture galante du XVIIIe siècle et des peintures romantiques du XIXe siècle. Citons en exemple « la Balançoire » et « le Colin-Maillard » de Jean-Honoré Fragonard, réalisé à la fin du XVIIIe siècle, ou encore l’huile sur toile « Partie de Bateau » de Gustave Caillebotte, réalisée à la fin du XIXe siècle.
Nous pouvons estimer l’œuvre autour de 100 euros en vente aux enchères, une fois la technique confirmée.
Une somme certes modique, mais qui vous permettra, inspiré par cette scène galante, de vous laisser tenter par une promenade romantique au fil de l’eau ou de vous rendre à Paris pour contempler les œuvres conservées au musée d’Orsay peintes par Gustave Caillebotte.
