Un coffre pour Notre-Dame
Samedi 07 décembre 2024 à 07h
Cette semaine, Andrea, l’une de nos fidèles lectrices, soumet un imposant coffre en bois à notre expertise. L’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de ce meuble.
Tout le monde se souvient où il était il y a cinq ans lorsque nous avons appris l’incendie de Notre-Dame de Paris. Tel un phénix, celle-ci renaît aujourd’hui de ses cendres pour briller de nouveau. Le soleil traverse à nouveau les vitraux tout juste restaurés pour baigner la cathédrale de lumière. Cependant cet incendie a toutefois entraîné des dégradations irrémédiables, notamment sur une partie du mobilier liturgique qui a alors dû être remplacé en alliant tradition gothique et création contemporaine.
L’objet de cette semaine pourrait rappeler les vitraux de Notre-Dame, avec son recours à un répertoire iconographique issu de la période gothique et notamment cette rangée de lancettes en partie inférieure. Elle est surmontée de quatre cercles imitant des rosaces telles celles que l’on retrouve dans le gothique flamboyant, avec des flammèches et des trèfles trilobés. Le coffre comprend enfin une lourde serrure métallique en façade. Il repose également sur deux pieds à degré ce qui permet de l’isoler du sol. Enfin, il faut noter que son couvercle est plat et non bombé.
S’agit-il d’un coffre liturgique destiné à conserver les effets nécessaires au culte ? Rien ne nous permet de l’affirmer ou de l’infirmer. En effet, durant le Moyen-Âge, deux éléments sont à prendre en compte. Tout d’abord, la place fondamentale de l’Église dans la création artistique : les meubles y compris ceux destinés aux laïcs, adoptent les mêmes décors que les monuments, qui sont la source d’inspiration principale. Les meubles s’ornent alors d’arcs-boutants, lancettes, trilobes et autres pinacles tirés de l’architecture des grandes cathédrales. Le second élément tient au caractère itinérant des cours durant le Moyen-Âge : les seigneurs voyagent ainsi entre leurs différents châteaux, emportant leurs meubles avec eux. Ceux-ci doivent alors pouvoir remplir différentes fonctions c’est le cas pour ce meuble, dont le couvercle plat permet de s’en servir comme banc. On parle ainsi parfois de « banc-coffres », pour rappeler la double destination de ce type de meuble.
En ce qui concerne sa période de création, il est très difficile de la déterminer sur photo ; seule une analyse scientifique au carbone 14 permettrait de dater précisément l’âge du bois. Ce type de meuble ayant connu une importante longévité comme objet d’art populaire, il est difficile de le dater avec précision faute de photographies complémentaires pour observer son montage et déterminer une période potentielle. Il est très probablement composé d’éléments anciens qui ont fait l’objet d’un remontage postérieur, comme c’est de coutume très fréquemment au XIXème siècle avec le « revival gothic ». Les châteaux de la Loire en sont garnis !
Votre coffre, Andréa, est très intéressant et pourrait susciter l’intérêt de certains collectionneurs, s’agissant d’une catégorie restreinte, il vaut mieux rester prudent en fixant son estimation autour de 200 à 300 euros. Une somme qui vous permettra de vous offrir un séjour à Paris pour aller voir la cathédrale restaurée et écouter les cloches sonner à nouveau.