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L'œuvre de Chomo, l'artiste ermite, sort du bois »

Samedi 09 novembre 2024

Le Parisien, Sébastien Blondé

Achères-la-Forêt (Seine-et-Marne). Le village d’art préludien créé par Chomo avec des matériaux de récupération est, depuis 2021, la propriété de l'association des Amis de Chomo qui y organise des visites d'avril à octobre. Association des Amis de Chomo

Une centaine d'oeuvres de Roger-Edmond Chomeaux, dit Chomo, sont vendues aux enchères ce dimanche à Tours (Indre-et-Loire). L'occasion de découvrir le travail global de cet artiste de génie, créateur d'un village d'art préludien, ouvert au public aux beaux jours à Achères-la Forêt (Seine-et-Marne), où il vécut en ermite près de quarante ans.

« L’œuvre de Chomo est assez inclassable.» Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, ne tarit pas d’éloge sur Roger-Edmond Chomeaux, dit Chomo, dit aussi le « fou de la forêt de Fontainebleau ». Cet artiste de génie vécut en effet en ermite dans le massif des Trois-Pignons, à Achères-la- Forêt (Seine-et-Marne). Décédé en 1999 dans cette commune située entre la cité impériale et le département de l’Essonne, c’est là qu’il laisse l’une des traces les plus mémorables de sa
créativité : le village d’art préludien, fruit de son esprit prolifique, créé avec des matériaux de récupération en tous genres dès 1960.

Ce dimanche 10 novembre, à partir de 14h30, le patron de la Maison Rouillac dirigera au Palais des congrès de Tours (Indre-et-Loire) une vente aux enchères de 99 œuvres de celui que l’on compare aussi à Dalí pour sa créativité hors normes ou au facteur Cheval et son « Palais idéal » pour son village, désormais régulièrement ouvert au public aux beaux jours, par une association, dite des Amis de Chomo. C’est dans ce chez lui, à l’époque, au milieu des arbres du massif forestier, que Chomo a produit toutes ses créations.

Un touche-à-tout

« Le facteur Cheval était vraiment un facteur. Chomo, lui, sort d’une école d’art (il a été diplômé de l’école des Beaux-Arts), relativise Aymeric Rouillac, qui a dédié à l’artiste un « beau livre » – « Chomo : à la recherche d’un monde perdu », publié mi-octobre par Le livre d’art. C’était un type qui connaissait vraiment bien son métier. Quand on voit sa construction dans la forêt, dont les vitraux sont faits de cadavres de bouteilles vides et les toits en capots de voiture, on se dit que c’est une architecture visionnaire. Comme Cheval, c’étaient des artistes spontanés. C’est de l’art brut, mais lui, ce n’est pas le résultat d’un accident de vie. Son oeuvre à lui est plus large. Elle est éclectique. L’histoire de l’art retient de Chomo que c’est un artiste sorti du bois… pour entrer dans la forêt. »

Peinture, sculpture, dessin, architecture… un artiste un touche-à-tout

Né en 1907, Chomo est d’abord artiste décorateur pour une grande firme de tapis. Revenu de captivité en Pologne pendant la Seconde Guerre mondiale, il décide de ne se consacrer qu’à la création artistique. Dès 1960, il choisit de vivre en ermite en forêt de Fontainebleau. « Dans les années 1950, il s’est posé la question du sens de l’art, du sens de sa vie. Son constat a été que notre civilisation arrivait à son terme et allait s’achever dans le consumérisme. Il est donc parti s’enfermer dans la forêt, pour un retour à la nature, en créant à partir de déchets », indique Aymeric Rouillac.

Chomo est un touche-à-tout : peinture, sculpture, dessin, architecture et même cinéma, avec à son actif un film sur des extraterrestres débarquant sur terre. D’après le commissaire-priseur, il est même un pionnier de la musique électronique, qui enregistrait les sons de la forêt. Dans les seventies, il attirait aussi chez lui une jeunesse peace and love consommatrice de substances psychédéliques, à la recherche d’un autre discours. « Beaucoup y allaient le week- end pour vivre avec lui au milieu des bois. »

Après le décès de Chomo, le Village d’Art Préludien reste fermé au public, jusqu’à la création fin 2015 de l’association des Amis de Chomo, dont l’objet est de sauvegarder les lieux et de promouvoir l’œuvre de l’artiste. En 2021, elle devient propriétaire du village, grâce à un don des héritiers. Ce secteur de forêt de 1,5 ha situé entre Achères et Le Vaudoué est désormais en lice pour être inscrit aux Monuments historiques.

« Le site n’a pas été déclaré par l’artiste. Il n’y a rien sur le cadastre. »

« Depuis deux ans, on est en lien avec les conservateurs du secteur, qui se sont montrés intéressés par la préservation de ce lieu, indique Chiara Scordato, la secrétaire de l’association des Amis de Chomo. Cela a reçu un avis favorable l’an dernier. On a lancé les démarches administratives pour cette inscription, qui devrait avoir lieu d’ici le courant de l’année prochaine. » Pour ce faire, le cadastre d’Achères doit être mis à jour. À l’époque, Chomo n’avait en effet rien demandé à personne, pas même une permission, pour se lancer dans la création de son village. « Le site n’a pas été déclaré par l’artiste, poursuit Chiara Scordato. Il n’y a rien sur le cadastre. Il y a nécessité aujourd’hui d’avoir la délivrance d’un permis de construire de régularisation. Aujourd’hui, on essaie de dynamiser le lieu, pour faire découvrir et accueillir des artistes contemporains dans la même veine que Chomo. »

Ouvert au public d'avril à octobre

Ce village est ouvert au public un week-end par mois d’avril à octobre. En attendant, on peut donc découvrir – en exposition libre, dès ce samedi de 10 heures à 20 heures et dimanche de 10 heures à 12h30 – les œuvres de Chomo mises aux enchères ce dimanche à Tours (Indre-et-Loire).

Des œuvres en tout genre, de toutes tailles, colorées ou en noir et blanc. Toutes les mises à prix sont à 500 euros. Elles peuvent monter jusqu’à 10 000 euros, d’après Aymeric Rouillac. Mais rarement plus. « Cela reste très abordable, commente-t-il. Car Chomo n’est pas suffisamment connu, notamment parce qu’il a toujours refusé les galeries et les expositions : il fallait aller le voir en forêt. L’objectif est donc de le faire sortir de la forêt, pour le faire rayonner. »
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