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Cheminée pour une flambée royale

Samedi 20 avril 2024

Cette semaine, Isabelle nous questionne sur une grande cheminée de style Louis XV. L’occasion pour notre commissaire-priseur, Aymeric Rouillac, de nous en dire plus sur cette pièce d’architecture qui nous réchauffera en attendant que le soleil revienne.



« Prométhée est ce héros qui aima assez les hommes pour leur donner en même temps le feu et la liberté » confie Albert Camus. En effet, dans la mythologie grecque, Prométhée, le voleur de feu, défie les dieux de l’Olympe pour sauver l’humanité réfugiée sous terre et dans des grottes. Dès l’Antiquité, on considère ainsi que le feu conditionne la vie et que, par extension, la cheminée qui en abrite la flamme doit être au centre du foyer. Certaines cultures voient dans la cheminée un lieu sacré, un espace de rencontre qui crée du lien entre les hommes, un intermédiaire entre le ciel et la terre, à travers lequel la fumée s’engouffre.

Les premières cheminées, de forme circulaire, apparaissent au Moyen-Âge et rythment la vie des habitants. Au départ réservée aux châteaux et aux abbayes, la cheminée se diffuse dans les villes tout en restant un symbole de richesse et de statut. La hotte des grandes cheminées murales accueille souvent un décor foisonnant, soulignant les armoiries des propriétaires, comme on peut le voir au château de Blois dans l’aile François Ier. Sur le modèle d’Isabelle, il n’y a pas de hotte mais des plaques de fonte dans son cœur, ornées d’un semi de fleur de lys : quelle belle évocation royale ! Réalisée par le maître âtrier et partie intégrante du décor, l’évolution de la cheminée va de pair avec celle de l’architecture. Ainsi, au XVIIIe siècle, la multiplication des hôtels particuliers et les nouveaux traités d’architecture entraînent une spécialisation des espaces et une réduction de la superficie des pièces. La cheminée reste au centre de la pièce, mais son linteau forme désormais une console pouvant accueillir une garniture, comme une pendule avec des vases de part et d’autre.

Cette cheminée a probablement été réalisée au XXe siècle, dans un marbre vert Maurin ou vert des Alpes. Elle présente une belle mouluration de style Louis XV avec son linteau mouvementé en « arbalète » et centré d’une généreuse coquille. La partie supérieure du jambage, également moulurée, et surmontée de coquille ; elle est soulignée par des volutes et se termine en console. Le cœur du foyer ainsi que le contrecœur sont réalisés en fonte de fer. Bien que le chauffage central apparaisse en France en 1920, il prit du temps à remplacer le feu de bois. Les cheminées connaissent même un regain d’intérêt dans les années 1965, revenant en force dans les maisons, comme cela a pu être le cas pour la vôtre. Si l’on n’en croise que rarement aux enchères, ces éléments d'architecture ont toutefois du succès. Votre cheminée, Isabelle, sans en connaître les dimensions, pourrait donc être estimée entre 500 et 1.000 €. et attirer quelques amateurs, car «en petite cheminée on fait bien grand feu ». Il ne manquerait plus qu’une jolie paire de chenets dorés pour parfaire la tradition du grand goût à la française !
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