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François Hollande : le scooter du scandale est à vendre

Mercredi 03 avril 2024

Paris Match, Florent Buisson

Le fameux Piaggio sur lequel François Hollande avait été surpris apportant des croissants à Julie Gayet sera mis aux enchères le 26 mai prochain.

L’épisode l’amuse toujours autant. « Certains hommes politiques restent dans les mémoires pour des casseroles, François Hollande, lui, c’est pour un scooter ! » sourit encore Patrick Sionneau, que Paris Match a rencontré dans un jardin du Loir-et-Cher, à deux pas de chez lui. Ce retraité a pourtant acquis il y a déjà quelques années l’ancienne monture présidentielle, sur laquelle François Hollande a été photographié, casqué, à la sortie du pied-à-terre parisien de l’actrice Julie Gayet, en 2014.

Veste bleue, chemise blanche et cravate rouge, il montre, pas peu fier, le cahier qu’il a édité, retraçant les folles aventures du « scooter de l’amour ». À l’intérieur, des photos de la carte grise, de la plaque d’immatriculation et surtout d’une dédicace de l’ancien chef de l’État, évoquant à mots couverts ses amours clandestines… « À Patrick et Manola, qui ont la chance d’enfourcher mon ­scooter pour mieux protéger leur bonheur. »

Pourtant, le couple de retraités a décidé de s’en séparer. Patrick, 71 ans, est handicapé et marche avec une béquille. « Il faut être à l’aise pour le mener, le pépère ! 200 kilos ! Il ne faudrait pas qu’il me tombe dessus. Il est en bon état, mais je ne l’ai pas beaucoup fait rouler. J’aimerais bien qu’il parte dans un musée ou chez un collectionneur. » L’encombrant témoin du scandale le plus retentissant du quinquennat Hollande sera donc vendu aux enchères le 26 mai, à grand bruit, sous la rotonde du château d’Artigny (Loir-et-Cher).

10 000 euros, sans le casque disparu

Mise à prix pour un objet qui a fait entrer la petite histoire dans la grande ? 10 000 euros, sans le casque noir élyséen, dont on a perdu la trace depuis longtemps.

Le Piaggio, lui, a d’abord été vendu par le Domaine, sur demande de l’Élysée, en décembre 2015. On le retrouve ensuite chez un habitant de la Vienne qui le revend en 2021 à un ami : Patrick Sionneau. Le nouveau propriétaire voulait l’exposer lors d’événements festifs, après avoir paradé lors de ses noces d’or organisées avec Manola, le 10 juin 2022. Soit six petits jours après le mariage de l’ex-chef de l’État et de l’actrice-­réalisatrice. Les amoureux du Loir-et-Cher en sont depuis convaincus, leur destin est un peu lié aux Hollande-Gayet.

À « François et Julie », comme dirait Patrick. « J’ai rencontré François à Blois fin 2023, quand il est venu dédicacer son dernier livre, détaille-t-il. Je souhaitais le remercier, car il m’avait déjà dédicacé un de ses ouvrages. Le fils d’un ami était allé le voir en région parisienne quelques mois plus tôt. Il lui avait montré les photos du scooter, les articles de journaux. C’est là qu’il a écrit : “À Patrick et Manola qui ont la chance d’enfourcher mon scooter…” Il a même ajouté : “Ce scooter est le bon” ! »

Il y avait peu de doute. Le numéro de série visible sous la selle et sur la carte grise est identique. C’est bien le Piaggio MP3 gris qui a fait le tour du monde… en photos. Construit en 2009, mis en circulation en 2010, il était déjà dans le parc de la présidence quand Hollande a été élu en 2012. Le nouveau locataire de ­l’Élysée l’a vite adopté, lui qui avait déjà fait parler de lui en posant sur son propre scooter, lors de la primaire socialiste, un an plus tôt. Un de ses rivaux l’avait même comparé à un « livreur de pizza »… Mais le candidat est devenu président normal.

« Les Français, depuis Vizir, le cheval naturalisé de Napoléon, jusqu’à la DS du général de Gaulle, attachent une importance symbolique aux véhicules de ceux qui nous gouvernent », explique Aymeric Rouillac, le commissaire-priseur qui vendra avec Philippe Rouillac, son père et associé, ce lot insolite, parmi 250 autres pièces, dont deux tableaux de Renoir. « On a l’image du président au-dessus des citoyens, ajoute Aymeric. Lui, on l’a vu en scooter, normal, dans une situation “normale”. C’est une banalisation de la fonction. Ce scooter, fabriqué par une société italienne qui inventa la Vespa, n’a rien d’un bolide national, et il a même plongé dans l’embarras le ministre de l’Économie d’alors, Arnaud Montebourg, interrogé sur la non-utilisation d’un véhicule “Made in France”…»

Le scandale en Une des médias

Retour au 10 janvier 2014. Le magazine « Closer » publie en une les photos de François Hollande avec un casque de moto, sortant de l’appartement de Julie Gayet, rue du Cirque à Paris, voisin d’à peine quelques dizaines de mètres du palais présidentiel. Sur un autre cliché, on le voit sur un scooter trois-roues piloté par un garde du corps. « L’amour secret du président », titre le journal people. Les Français découvrent ahuris la liaison du premier d’entre eux, alors officiellement en couple avec la journaliste Valérie Trierweiler, qui a ses bureaux à l’Élysée. Les photos volées provoquent un énorme scandale, car elles touchent à l’intimité du président, questionnent sur sa sécurité et tendent à le discréditer, en France et à l’étranger. L’affaire est même traitée en première page des journaux ­britanniques, comme dans le très sérieux « Financial Times », qui s’interroge sur le respect de sa vie privée. Au pays des tabloïds, on croit rêver.

À Paris, dans la majorité présidentielle, déjà marquée par l’impopularité de l’exécutif, on s’inquiète. « Cet épisode a créé une forme d’abattement, raconte aujourd’hui Olivier Faure, patron du PS, alors député. Certains trouvaient ça injuste, car c’est du ressort de la vie privée, d’autres étaient persuadés que ça allait être une catastrophe dans l’opinion. Mais les reproches, il y en a eu beaucoup plus après la découverte des comptes bancaires suisses de Jérôme Cahuzac, ou après l’affaire Leonarda par exemple. Le scooter, on ne m’en a pas parlé. Les Français sont curieux de la vie de leurs dirigeants, on a vu le succès de librairie causé par cette histoire, mais pas sûr qu’ils en tiennent compte dans leur choix politique. Il y a un respect de la vie privée. »

Le livre réponse de Valérie Trierweiler

François Hollande fut tout de même contraint de publier un bref – et rude – communiqué quinze jours plus tard, pour annoncer sa rupture avec Valérie Trierweiler, qui sortit en réponse un livre assassin, quelques mois après : « Merci pour ce moment ».
Dix ans sont passés depuis lors et l’ancien chef de l’État s’amuserait presque de cette histoire. Un an après son départ de l’Élysée, en 2018, à des étudiants qui lui demandent s’il est plutôt « Uber ou scooter » pour se déplacer, il répond, bravache : « Scooter, bien sûr ! » En 2020, interrogé sur la plateforme musicale Deezer, cette fois, au sujet des morceaux qu’il écoute lors de ses « road trips en scooter dans Paris », il rétorque, goguenard : « Mon amant de Saint-Jean ».

Et il faut voir les photos de sa rencontre avec Patrick et Manola, fin 2023 à Blois, où il apparaît, yeux ronds et grand sourire. « Nous étions allés le voir car je n’avais pas l’original de sa dédicace précédente, reprend Patrick Sionneau. Je lui ai expliqué l’histoire et il a dit en ­rigolant : “Ah ! Manola !” Il avait retenu le prénom de ma femme ! »
« Il a assez d’autodérision pour sourire de ça, confie un proche de l’ancien patron du PS. Et c’est un homme public qui sait retourner les choses… Sur un plan politique, les seules répercussions à gérer, c’était le livre de Valérie. Les questions sur sa sécurité, ça n’avait pas lieu d’être, elle était assurée. Sur un plan plus personnel, cette affaire leur a finalement permis, à Julie et lui, de vivre leur union au grand jour. Et ils sont toujours ensemble. »
L’histoire ne dit pas si François Hollande regardera les enchères monter, le 26 mai, depuis ses bureaux de la rue de Rivoli, à Paris, comme il scrute la courbe ascendante des sondages du moment.
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