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Lumière sur la nouvelle année du dragon !

Samedi 17 février 2024 à 07h

Autour des cœurs pourpres flottant dans les rues de nos cités se faufilaient de beaux dragons rouge et or. La semaine dernière, nous fêtions le nouvel an lunaire, qui marque le début de l’année du dragon de bois. L’occasion pour notre commissaire-priseur, Aymeric Rouillac, de se pencher sur une paire de lampes à pétrole aux influences orientales que Fabien du Loir et Cher, nous a fait parvenir.



Si notre calendrier grégorien s’appuie sur la vision chrétienne du découpage de l’année en jours, semaine et mois, le calendrier chinois, qui débute chaque année entre les 21 janvier et 19 février, s’appuie sur le cycle luni-solaire, c’est-à-dire le mouvement de ces deux astres. Le calendrier est découpé de sorte que le premier jour de chaque mois coïncide avec la nouvelle lune. Mis en place dès le XVIe siècle sous la dynastie Qing, ce calendrier permet à l’Empereur, le « fils du ciel » sur terre, de gouverner l’Etat en accord avec les astres. Dans le monde asiatique, la nouvelle année permet de rendre hommage aux ancêtres, de célébrer l’un des douze animaux apparus au Bouddha avant sa mort, comme le dragon cette année, et de le placer sous l’un des cinq éléments : le bois, le feu, l’eau, la terre et le métal.

Si les animaux peuplent les arts décoratifs asiatiques, c’est qu’ils sont considérés comme des êtres surnaturels, porteurs de symboles et d’énergie, associés aux saisons et au destin des hommes. L’art du Feng-Shui, partie prenante de la culture Bouddhiste, inventé par les Chinois autour du IIIe siècle, accorde également une place centrale aux animaux au sein de la décoration intérieure, reliant les occupants d’une habitation aux énergies célestes.

Si ce système de pensée nous fascine toujours aujourd’hui par sa complexité, ses premières incursions en Occident se font à partir du XVIIe et plus encore au XVIIIe siècle. L’art asiatique conquiert alors le goût français, porté par la flotte des différentes marines commerciales. Les marchands merciers, à l’image du célèbre Gersaint représenté par Watteau, commandent des objets chinois et japonais à la Compagnie des Indes. Une fois importés, ils les font monter sur bronze doré ou les incrustent sur les bâtis de meubles, pour les mettre à la mode occidentale et leur trouver une place dans les hôtels particuliers du Faubourg Saint-Germain. Ces objets matérialisent le fantasme de la société des Lumières pour un Orient rêvé et sont, pour l’aristocratie, le symbole d’une richesse intellectuelle et artistique. Ces objets « frontière » sont la quintessence du goût dit « Louis XV » ou « rocaille ». Après le choc de la Révolution française, les différents régimes politiques qui lui succèdent jusqu’à la Restauration délaissent ces petits objets et ces riches matières, trop liés aux fastes d’une époque jugée dépensière et frivole. C’est à partir du règne de Louis Philippe et plus encore sous le Second Empire, dans une vague historiciste qui recopie et réinterprète les styles anciens, que l’Asie rêvée revient en force dans les arts décoratifs.

Votre paire de lampes à pétrole, Fabien, s’enracine dans cette longue tradition d’échanges entre l’Orient et l’Occident et manifeste l’engouement du Second Empire pour l’art oriental. Inventée en 1853, la lampe à pétrole remplace la lampe à huile apparue à la fin du XVIIIe siècle. Elle reste en usage jusqu’au milieu du XXe siècle, avec l’arrivée progressive de l’électricité dans les villes puis les campagnes. Votre modèle de lampe s’inscrit à la fois dans la tradition et la modernité, avec sa cheminée au globe de verre dépoli à motif de fleurs qui repose sur un pied en sillons stylisés. La toupie, où l’on stocke le pétrole, est en céramique émaillée ou en opaline et présente un décor de paon et d’azalées, repris sur la panse du vase bouteille. Comme pour les chinoiseries du XVIIIe siècle, le vase repose sur une terrasse de laiton chantournée. Chaque vase mesure 87 cm de hauteur avec les globes ; les lampes ne sont pas électrifiées, conservées comme des objets décoratifs.

Ces lampes se font de plus en plus nombreuses en vente publique et leur valeur dépend de l’origine et de la qualité des pièces de faïence ou de porcelaine utilisées. En effet, si certains vases montés peuvent dater du XVIIIe siècle ou provenir d’un centre faïencier important, d’autres ont été réalisés plus récemment dans des endroits moins prestigieux, en porcelaine, faïence ou opaline. Un examen de visu permettrait de confirmer avec une plus grande acuité la technique de fabrication de vos lampes. Un modèle similaire a changé de propriétaire en janvier dernier pour la petite somme de 70 euros, un prix abordable pour ces lumières au charme suranné qui ajouteront du Feng-shui dans vos vies !
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