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De Limoges à la Croisette

Samedi 16 décembre 2023

Cette semaine, Fabien soumet à notre expertise une étrange œuvre en métal dont « il nous met au défi de trouver l’artiste ». L’occasion pour Aymeric Rouillac de nous en dire plus sur sa valeur et son histoire.




De prime abord, c’est une masse épaisse et confuse qui s’offre à notre regard. On discerne les traînées d’un magma ardent suintant à la surface d’un panneau métallique. La vision troublante que nous présente Fabien est signée « Morini » et datée «67». Elle se situe au croisement de l’œuvre et du décor.
Ne laissons pas planer le suspense plus longtemps, l’artiste qui nous confronte aux forces telluriques d’une matière brute
s’appelle Claude Morini (1939-1982). Originaire de Limoges, il est le petit-fils d’un peintre impressionniste hongrois dit «Morino». De son vrai nom Claude Ernest Philippe Bourgeau, il baigne dans l’art dès ses plus jeunes années. Élevé dans la foi chrétienne, Morini est peu porté sur les études, mais très investi dans la vie associative et les œuvres caritatives limougeaudes. Il n’a de cesse de vouloir mettre l’art à la portée de tous. Refusant une abstraction trop hermétique, il se concentre sur la figure humaine dans toute sa profondeur.

" Morini continuait à peindre l’essentiel "
En 1959, Claude Morini rejoint son oncle au monastère de Cimiez à Nice, dans une région qui connaît à ce moment-là une
effervescence artistique intense. Morini y complète sa formation artistique par un rapide passage aux Arts Déco de Nice puis s’installe à Vallauris, un village qui se fait alors connaître par sa céramique, avec quelque 150 ateliers et des artistes tels que Capron, Picault ou Innocenti, sans oublier… Picasso !

L’artiste Ben, dont les Blésois connaissent bien la Fondation du doute, tient à son sujet ce propos : « Je me souviens, j’étais
plus jeune et on croyait, avec l’objet, avoir enterré les Morini, Vigny etc. En fait, Morini continuait à peindre l’essentiel. Si
j’avais été responsable de la culture à Nice, j’aurais mis Morini au Mamac. »
L’œuvre que nous a envoyée Fabien témoigne d’une période brève et hors-norme dans la carrière de l’artiste, manifestant
l’envie débordante de travailler la matière et d’inscrire l’émotion dans l’espace urbain. Il délaisse son travail autour de la figure humaine, dans les pas de Francis Bacon et Alberto Giacometti, pour explorer de nouvelles techniques dans une démarche décorative singulière.

L’artiste met en œuvre l’aluchromie. Ce procédé d’électrochimie apparu dans les années 1960, permet de colorer l’aluminium, de le graver et d’en modifier artistiquement la surface.
On retrouve ses panneaux dans les années 1970 sur la Croisette à Cannes, dans des halls et sur des façades d’immeubles de la Côte d’Azur, porté par le climat des grands aménagements.

Une disparition précoce
Parallèlement à la naissance de l’urbanisme, de plus en plus d’artistes interviennent dans l’espace public. Depuis 1951, ils
sont aidés par la mise en place de la politique du 1 % artistique, permettant de consacrer à l’occasion 1 % du budget de construction d’un édifice à la création contemporaine. Le parvis de la Défense à Paris, avec ses fontaines de Yaacov Agam
(1975), de Takis (1988) et ses sculptures de Calder (1976), de César (1981) ou de Bernard Venet (1988), en est un parfait
exemple.

Claude Morini disparaît à l’âge de 42 ans, laissant une œuvre encore en pleine réflexion et en recherche d’elle-même. Sa cote souffre de sa disparition précoce, ce qui nous conduit à estimer la valeur de cette œuvre entre 100 et 150 €.
C’est l’occasion parfaite pour les amateurs d’acquérir un ovni artistique d’une rare technicité, qui fera mouche et qui sait…
preuve d’originalité en cadeau pour Noël !
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