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Café, Que j'aime ta couleur … café !

Samedi 02 décembre 2023 à 07h

Cette semaine, Sophie de Blois s’interroge sur son service à café. L’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous conter l’histoire et nous informer sur la valeur de l’objet.



« Le comptoir d'un café est le Parlement du peuple », comme le rappelait le tourangeau Honoré de Balzac. Le café est ainsi le lieu où l’on s’échange bien plus que des boissons chaudes, mais également des histoires, des avis et des opinions. Les cafés sont alors de véritables lieux de vie, retranscrits dans la littérature de Zola, les tableaux de Manet ou les films de Truffaut. Ce moment convivial peut d’ailleurs se retrouver dans l’intimité d’un salon et revêtir les mêmes fonctions. Avec sa diffusion en Europe à partir du début du XVIIe siècle depuis Constantinople en Turquie, ses coûts furent, au départ, particulièrement élevés, d’où son statut de boisson de luxe. Avec le développement des échanges internationaux, le café s’est ensuite répandu dans tous les milieux. Les accessoires liés à sa consommation se sont donc adaptés aux modes du temps et aux moyens de leurs propriétaires, dans un souci à la fois pratique et esthétique. On a pu ainsi voir apparaître des services à café rocaille, néoclassiques, orientaux, japonisants, de style Art nouveau ou Art déco. Les matières qui les composent sont des plus diverses : argent, métal, terre-cuite, faïence ou encore porcelaine, notamment celle provenant d’Asie, commandée sur place à des fins d’exportation puisque le café n’était pas préféré au thé.

Votre service, Sophie, est vraisemblablement en porcelaine dite de « Satsuma », terme désignant traditionnellement un type de porcelaine japonaise sur fond ivoire ou doré. Ces ateliers existent depuis l’installation, sur les terres du clan Shimazu, de potiers coréens, survenue après l’invasion de la Corée par le Japon à la fin du XVIe siècle. Ceux-ci vont en effet importer la technique de la porcelaine, connue en Chine et en Corée depuis le Xe siècle, au sein de l’archipel nippon. Cette zone de production est encore aujourd’hui l’une des plus importantes du Japon, notamment pour ce qui est de la porcelaine d’exportation.

Votre service reprend les codes de ce type de production avec un décor de personnages, notamment des femmes aux seins nus et des samouraïs dans des réserves à reflets dorés. Les thèmes utilisés sont des thèmes religieux ou encore, des personnages féminins érotisés. Ils se rapprochent ainsi des thèmes des estampes japonaises diffusées en Europe dès le milieu du XIXe, participant alors à l’apparition du « Japonisme ». Ce mouvement est lié à l’ouverture commerciale du Japon fournissant alors un répertoire inédit de motifs pour les artistes et de nouveaux objets importés de ce pays. Sur environ un demi-siècle, la forte influence du Japon fascine les peintres tels Van Gogh, ou encore le verrier Gallé mais aussi Guimard avec les entrées de métro. Parallèlement, avec un aspect plus populaire, notons qu’une grande diffusion de tels services se retrouve très souvent dans les intérieurs français, car ils étaient souvent les récompenses de loterie ou des articles de foire. Dans votre service, les femmes et les samouraïs sont inscrits dans des réserves dans un fond chocolat silhouettant les personnages et la scène. Il s’agit ici d’une production récente pour l’exportation en masse à destination du public occidental. Ce service, sous réserve d’un examen approfondi du revers d’une des pièces comporterait-il une marque ? En général, de simples points confirment notre attribution.

Ce genre de service est relativement courant en vente publique ; les prix aux enchères sont souvent aux environs de 20 à 30 euros pour un service composé d’une théière, d’un sucrier, d’un pot à lait, de tasses et de sous-tasses au même décor complet en bon état. De quoi vous offrir un bon paquet de café pour affronter les premiers frimas !
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