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Maurice Estève : une nature morte sous influence

Vendredi 10 novembre 2023

La Gazette Drouot, Philippe Dufour

A travers cette nature morte encore figurative, Maurice Estève, l’un des maîtres de l’abstraction colorée de l’après-guerre, rend hommage à son père spirituel : Paul Cézanne.

Après sa démobilisation et son retour à Paris en 1941, Maurice Estève peut enfin reprendre ses pinceaux. Ce sont alors des scènes familières qui prennent forme sur ses toiles, convoquant les accessoires modestes et rassurants du quotidien, sans doute pour conjurer l’inquiétude ambiante… Comme dans cette vibrante nature morte, intitulée Le Bouquet blanc, une toile peinte en 1942 où les objets – fleurs, bouteille, compotier, jusqu’au buffet entrouvert – semblent être entraînés dans une danse. Joyeuse par son rythme et son coloris, l’œuvre affiche une évidente référence à l’art de Paul Cézanne, dont l’esprit novateur a toujours irrigué les recherches formelles d’Estève. Déjà, ce dernier était fasciné par le génie du maître aixois alors qu’adolescent, il découvrait en solitaire la grande peinture au musée du Louvre. D’ailleurs, invité à participer à l’exposition «Hommage aux Anciens» en janvier 1942 par Jacques et Lydie Bazaine, pour l’ouverture de leur galerie Friedland à Paris, le peintre choisit de célébrer l’auteur des Grandes Baigneuses, à travers une œuvre intitulée Hommage à Cézanne (collection particulière). À l’occasion de cette manifestation, une autre composition sous influence très cézanienne se fera remarquer : la Jeune Femme à la cafetière de 1941 (également collection particulière), qui a été acquise quelques mois plus tard par Jean Bauret, l’un des premiers admirateurs d’Estève. Quant à notre Bouquet, il devait rejoindre la collection du couple Bazaine, jusqu’à la dispersion de celle-ci par Me Millon à Paris, le 27 juin 2012, où il était adjugé 33 000 € au marteau, puis orner d’autres
cimaises privées, à Tours.

Une exposition décisive à la Galerie de France

À l’aube de la décennie 1940, Maurice Estève semble enfin trouver sa voie, après une longue période de formation, qu’il décrivait ainsi : « J’ai mené jusqu’en 1938-1939 une vie très difficile. J’avais le plus grand mal à trouver des amateurs. Je ne vendais pas un tableau. » Il est vrai que, rétif aux grands courants artistiques de l’entre-deux-guerres en «isme», l’artiste a élaboré une figuration très personnelle, où s’imbriquent figures et objets, cédant parfois la place à de simples plages de couleur, stylisées. Un parcours d’incertitude que clôt heureusement l’accord d’exclusivité passé avec la galerie Louis Carré en 1942, éloignant un peu les soucis matériels. Mais la véritable reconnaissance viendra de sa participation à la mémorable exposition de la Galerie de France, « Douze peintres d’aujourd’hui », tenue du 6 février au 4 mars 1943, véritable pied de nez à l’occupant par son audace artistique. Estève y présente ses dernières recherches – dont Le Bouquet blanc –, aux côtés des productions de Jean Bazaine, Jean Le Moal, Léon Gischia, Alfred Manessier, Édouard Pignon ou encore Jacques Villon. Tous formeront ce groupe appelé par la suite la « seconde école de Paris »… Quatre ans plus tard, avec sa toile du Sculpteur (1947, musée de Bourges), Maurice Estève basculait dans l’abstraction puissante et colorées, qui devait le rendre définitivement célèbre.

Maurice Estève (1904-2001), Le Bouquet blanc, 1942, toile, signée, contresignée,... Maurice Estève : une nature morte sous influence Maurice Estève (1904-2001), Le Bouquet blanc, 1942, toile, signée, contresignée, titrée, datée au dos et numérotée «C8462F» sur le châssis, 83,5 x 54 cm (détail).
Estimation : 25 000/35 000 €


TABLEAUX MODERNES ET CONTEMPORAINS, SCULPTURES, BRONZES, DESIGN, ARTS DÉCORATIFS DU XXE
Dimanche 12 Novembre 2023 - 14:30 (CET) - Live
Palais des Congrès Le Vinci, 26, boulevard Heurteloup - 37000 Tours
Rouillac
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