Haute technologie gauloise

Cette semaine, Ségolène, de Vendôme, écrit à Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, car elle souhaite connaître l’utilité de deux outils anciens.

Le premier outil adopte la forme d’un croissant de 39 cm de long pour 10 cm de large. En chêne, il est muni d’anses latérales et d’une poignée centrale. Une encoche pratiquée dans le bois permet d’y enserrer une lame de fer tranchante maintenue à l’aide de vis. Le second mesure 22,5 cm de haut et 24 de large. Il se compose d’une tige en métal munie d’un couteau creux terminé par une tige filetée de forme conique.L’ensemble est fixé à un manche en bois. Alors, cela vous dit quelquechose ? Le rasoir de Gargantua et le tire-bouchon de Pantagruel ? Nenni ! Bien que ces outils auraient certainement plu à Rabelais puisqu’ils sont indispensables au… Tonnelier ! Il s’agit d’un racloir à bouge et d’une bondonnière à mèche. Le racloir est utilisé pour polir le tonneau afin de le débarrasser de toute aspérité qui pourrait gêner le parfait maintien des douelles (les pièces de bois formant les parois du tonneau) par les cercles. La bondonnière, quant, à elle est utilisée pour percer les trous de bonde, l’un au milieu du tonneau, l’autre sur le fond.

Nous voici plongés dans un domaine méconnu qui fait pourtant la fierté et la renommée de notre pays depuis 2 000 ans : la tonnellerie !

L’inventeur du tonneau reste inconnu. En revanche, un témoignage de taille nous prouve que les Gaulois l’utilisent dès 51 av. J.-C. Et c’est Jules César qui le dit dans ses mémoires sur la guerre des Gaules, s’il vous plaît ! Il n’y vante d’ailleurs pas les qualités de ce contenant pour la vinification… Mais la façon dont nos ancêtres s’en servent pour faire la guerre ! En effet, lors du siège de l’attaque d’une cité celte par les Romains, les « barbares » font rouler des tonneaux remplis de poix enflammés sur leurs assaillants ! Ils sont fous cesGaulois ! En temps normal, les barriques sont utilisées pour faire vieillir cervoise et vin et pour transporter ces précieux breuvages sans les gâter. Après la conquête de la Gaule, les Romains, conquis par cette merveille de technologie, remplacent d’ailleurs leurs fameuses amphores par des tonneaux de chêne ! En France, la corporation des tonneliers est créée au IXe siècle. Ils sont aujourd’hui une cinquantaine. Forts de leur savoir-faire millénaire ils tiennent le monopole mondial de la production. Les techniques n’ont d’ailleurs que peu changé depuis l’époque de Vercingétorix. Chaque année, environ 500 000 tonneaux sortent des ateliers français et 65% sont exportés.

Les outils de Ségolène sont un témoignage fort de cet important patrimoine culturel. Mais les collectionneurs d’outils anciens sont aujourd’hui de plus en plus rares… Et la cote de ces objets est donc de moins en moins soutenue. Comptez une vingtaine d’euros pour les deux. L’occasion de souhaiter de bonnes vendanges et un bon cru 2016 aux vignerons du département !