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Indispensable coupe papier

Samedi 10 septembre 2016

Cette semaine, Me Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, se penche sur un coupe-papier dont Nicole lui a envoyé la photographie.

Qui n’a pas regretté ne pas en avoir un tel objet sous la main cet été pour ouvrir délicatement - et proprement – les enveloppes ? Car,malgré les courriers électroniques, cet « outil » reste fort utile, et rares sont les bureaux qui en sont aujourd’hui dépourvus. On le trouvait déjà bien commode en Égypte Antique où il était utilisé par les scribes pour couper les feuilles de papyrus. Coupe-papyrus bien inutile en Occident puisque que l’on emploie largement le parchemin,et ce même après l’apparition du papier (qui nous vient de Chine) au XIIIe siècle. L’usage du coupe-papier se développera au XVIIe siècle, probablement aidé par la diffusion de l’enveloppe. En effet, avant cela, on pliait et cachetait sa lettre (que l’on nomme un pli) jusqu’à ce qu’un gentilhomme, dans un traité de civilité, déclare que « l’enveloppe (…) est signe de respect envers le supérieur à qui l’on s’adresse ». Le monde s’appropriera cette invention du bon goût français qui fera peu à peu disparaître le pli.

Les coupe-papiers les plus précieux, certains fantaisistes à l’excès, naissent au XIXe siècle. Véritables objets d’art, ils sont faits en bronze ou en argent ciselé - et parfois sertis de pierreries - en bois exotiques, en corne ou encore en ivoire. C’est le cas pour celui de Nicole. Ce coupe-papier qui mesure 40 centimètres en donc en ivoire. A double tranchant, ses extrémités sont arrondies, l’une plus fine que l’autre, afin de couper les feuilles de papier et ouvrir les enveloppes. Détail délicat : le manche est sculpté de lettres enlacées : « MB ».Sa forme n’est pas non plus sans rappeler le plioir, outil indispensable du relieur. Les plus anciens lecteurs d’entre vous se souviendront des livres brochés qu’il fallait découper pour pouvoir en découvrir le précieux contenu,et ce jusque dans les années 60. A cette époque, point de coupe-papier, point de roman !

Nicole nous indique que cet objet proviendrait du château de Beaumarchais à Autrèche. Malheureusement, cette hypothétique provenance ne suffit pas à le rendre exceptionnel. Certains le sont, à l’image de celui dont se saisi le célèbre révolutionnaire américain Patrick Henry, en 1775, pour mimer se transpercer la poitrine, tout en déclarant aux autorités anglaises de Virginie : « Donnez-moi la liberté, ou donnez-moi la mort ! ». Ce coupe-papier date de la seconde moitié du XIXe siècle. En bon état, il peut intéresser un colperpapirophile (un collectionneur de coupe-papiers) mais n’est précieux que par son matériau. Comptez ainsi entre 20 et 50 € en brocante. L’occasionde faire le point sur la redoutable nouvelle législation réglementant le commerce de l’ivoire : il est désormais interdit de vendre de l’ivoire brut (défense, dent…) et tout objet en ivoire manufacturé créé après 1975. Ce n’est pas le cas ici alors profitez-en bien !
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