Chomo dans l'exposition "Art en Marge" au château de Tours

du 6 mai au 1er octobre 2023

Monter une exposition d’art en marge, c’est choisir de donner à voir des artistes singuliers, affranchis de toutes exigences académiques voire de toutes influences artistiques.

Aussitôt se pose la question de la lisibilité de l’oeuvre, qui par son caractère hors-norme défie le visiteur autant qu’elle l’invite à entrer dans l’intimité de son créateur. Ici, plus que nulle part ailleurs, l’oeuvre présentée est indissociable de l’artiste dont elle émane. Elle se fait le témoin de son mode de vie, de son éducation, de la société dans laquelle il a grandi, et de comment cette dernière a pu forger sa sensibilité.

Bien souvent la production est frénétique, associant pauvreté des matériaux, urgence créatrice, besoin instinctif et vital de s’exprimer. C’est de l’ordre de l’énigme, voire de l’impossible : comment ces marginaux ont pu créer autant avec si peu ? Pour trouver la réponse, une nécessité s’impose : mettre autant en lumière les oeuvres que leur contexte de création, au moyen de documents écrits, sonores ou visuels. De ce travail d’enquête résulte une scénographie originale, permettant d’ entrer dans l’univers de ces artistes.

Mêlant dessin, peinture, sculpture, son et vidéo, l’exposition plonge le visiteur d’un mode de vie à l’autre : il n’en sortira pas tel qu’il y est entré ! Si ces artistes ont souvent choisi de s’extraire de l’agitation de notre monde, ce n’est paradoxalement que pour mieux la refléter. Ils ont certes vécu dans l’altérité, se sont parfois recréés un environnement idéal, mais leurs oeuvres n’en sont pas moins révélatrices de nos préoccupations. Nous souhaitons une visite touchante, une visite où les sens feront sens.

Cette exposition a reçu le mécénat particulier de la maison de ventes Rouillac via l'association Mécénat Touraine Entreprises.

Artistes exposés :

Guy Brunet (né en 1947)

Créateur prolifique et complet, auteur de pas moins de 350 scénarios, dessinateur de 100 affiches de films, réalisateur de 14 long-métrages.

Solange (née en 1922)

Des milliers de dessins légendés répartis dans 3 cahiers : un pied de nez à la réalité, un sourire, une façon de tenir face à l’absurdité des conditions de sa fin de vie.

Chomo (1907-1999)

Roger Chomeaux érigea dans la forêt de Fontainebleau le « Village d’Art Préludien », refuge dont la raison d’être s’articule sans doute autour de la désillusion et du rejet de la norme.

Jacques Cléro († 2017)

Il peint avec son index gauche des stars de cinéma, des têtes couronnées, des hommes politiques, et des joueurs de basket. Un sens graphique certain et un traitement de la figure humaine au croisement de la caricature et du portrait-robot.

Hollywoodoo

Figuration débridée et couleurs vibrantes, les affiches Hollywoodoo du Ghana sont proprement stupéfiantes ! Ces oeuvres publicitaires, initialement vouées à l’oubli, ont provoqué dans les années 2000 un petit événement dans le monde de l’art…

Jean-Marie Massou († 2020)

Seul dans la forêt de Marminiac, il attendait patiemment la venue des extraterrestres. Comme il ne savait ni lire ni écrire, il fixait son message sur des centaines de cassettes où il nous alertait de l’imminence de l’Apocalypse…

Dans le cadre de ce projet, la structure « L’Intention Publique » est intervenue dans la production de l’exposition proposée par l’artiste Xavier Bertola et dans la mise en oeuvre d’une relation active à la ville et ses habitants.

L’Intention Publique

Créée en 2013, cette structure collaborative est spécialisée dans la définition, l’accompagnement et la réalisation de projets artistiques, culturels et citoyens en espace public. Autour d’une équipe pluridisciplinaire, elle s’est fondée sur l’idée d’être un intermédiaire entre les artistes, les
collectivités et la population.

Xavier Bertola

Ce « Plasticien-rigologue », cite souvent en référence les mouvements Dada, Pop Art et les Incohérents, des collectifs d’artistes remettant en cause la notion d’oeuvre d’art, avec provocation et humour. Il mesure la force de la création dans la recherche plus que dans le résultat, dans le chemin parcouru plus que dans le but à atteindre.

CHÂTEAU DE TOURS

25 Av. André Malraux
Ouvert du mardi au dimanche 14h-18h (Fermé le 14/07)
Tarifs : 4,40€ / 2,20€ / Gratuit
info.chateau@ville-tours.fr / 02 47 21 61 95 / chateau.tours.fr

CHOMO

S'il fallait trouver une ligne directrice à l'existence de Chomo (né Roger Chomeaux en 1907) et par extension, une raison d'être à son refuge, le Village d'Art Préludien qu'il érigea dans la forêt de Fontainebleau, et où il vécut jusqu'à sa mort en 1999, elle s'articulerait sans doute autour du rejet, de l'incapacité à se conformer, et de la désillusion. Enfant chétif, solitaire, délaissé par ses parents, cancre à l'école par ennui, mais pourvu d'une sensibilité singulière, Chomo n'a eu d'autre choix que de créer, se recréer pour réparer les injustices dont il se sentait victime.

Poussé par son père, qui l'a vu commencer à peindre seul très tôt, à intégrer l'École des beaux-arts de Valenciennes puis celle de Paris, il garde de sa formation académique, outre le souvenir d'amis chers, celui d'une pensée élitiste, dont il se voit exclu par ses origines modestes. Ses œuvres de jeunesse, et les quatre prix qu'il remporta pour ses premières sculptures, témoignent d'une véritable maîtrise des codes du réalisme. À l'instar de Picasso, Paul Klee, et Dubuffet c'est donc par choix qu'il s'en affranchira. Il lui aura fallu quarante ans, se plaisait-il à dire, pour « Guérir par le refus de la connaissance ». L'esthétique des œuvres qu'il créera ensuite en ermite sous le nom de « Chomo », sera ainsi déterminée par sa volonté tenace de se situer en opposition totale avec le marché de l'art, la société de consommation dans son ensemble, et l'environnement culturel de son temps.

Aurait-il pu créer autant sans sa connaissance fine des styles passés ? La question reste ouverte. Ce qui est sûr, c'est qu'il manifesta très tôt une appétence innée pour le travail des matériaux les plus ordinaires. C'est le chantier de reconstruction de la maison de sa grand-mère, en partie détruite par un obus allemand, qui -ironie du sort- lui permet d'expérimenter pour la première fois avec du mortier et du ciment. Ce goût pour la récupération ne le quittera pas. Délaissant la pierre et le bronze, Chomo privilégie des matériaux pauvres, naturels, ou piochés dans les décharges des environs. Ses Bois Brûlés, rendus vivants par le feu, ses tôles martelées ou lacérées, ses papiers froissés, ses sculptures de grillage modelé et plastique fondu, ses expérimentations sonores et poétiques (il invente sa propre écriture phonétique) témoignent de sa virtuosité technique, mais aussi de son désir d'assister à l'avènement d'une ère nouvelle, dont son art total serait le prélude.

Chomo diagnostique à son retour des camps de prisonniers de la Seconde guerre mondiale que notre civilisation est à la fin d’un cycle. Il investit les quelques hectares de la forêt de Fontainebleau appartenant à sa femme pour s'y exiler et créer frénétiquement, en extérieur, au contact et à l'aide de la Nature. Précurseur, il pressent l'urgence d'un retour aux sources, en harmonie avec notre environnement, et milite pour un art populaire, accessible à toutes les couches de la population. Taxé de fou, parce qu'il place le rêve et le renouvellement spirituel au-dessus de tout, ignoré de la doxa artistique des trente glorieuses, vivant dans le dénuement le plus total, l'inconfort et la solitude, Chomo ne se laissera jamais compromettre. Le chemin qui conduisait à son domaine était constellé d'écriteaux. Si l'un d'entre eux devait résumer sa pensée se serait peut-être : « Qèl anprint ora tu lésé sur la tèr pour qe ton Die soi qontan ? ».

L'Association des Amis de Chomo est active. Elle naquit à la suite de son décès. Depuis, elle n'a pas cessé de faire vivre le lieu, de le sauvegarder, de le restaurer et d'organiser des événements festifs pour que perdure la mémoire de cet homme hors-normes. Des visites découvertes sont organisées, allez-y :
Village d'Art Préludien
24 rue de Paris Forêt
77760 Achères-la-Forêt,
Vous en reviendrez transformés !