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À Artigny, records pour Shiraga et Fontana

Vendredi 09 juin 2023

La Gazette Drouot, Philippe Dufour

Kazuo Shiraga (1924-2008), T. 34 (No 50), 1962, toile signée et datée, 80 x 116 cm.
Adjugé : 1 860 000 €
Lavinia Fontana (1552-1614), Portrait d’Antonietta Gonsalvus, toile, 54,5 x 47 cm. Adjugé : 1 550 000 €

Avec un total de 5,4 M€, la Garden Party au millésime 2023 enregistrait trois records, pour une toile de Shiraga, le portrait d’une petite fille velue et une 2 CV en bois… entre autres découvertes.

Mission accomplie pour T. 34 (No 50), la fantastique toile de Kazuo Shiraga, admirée sur la couverture de la Gazette n° 20… Estimée au plus haut 800 000 €, l’œuvre (80 x 116 cm) devait finir sa course ascendante à 1 860 000 € – un record pour son auteur –, adjugée à un collectionneur étranger. Une querelle d’enchères où intervenaient une vingtaine de téléphones, et qui fait écho à l’état d’esprit du Japonais lorsqu’il s’est attaqué à la réalisation de cette œuvre en 1962 : « Je veux peindre comme si je me précipitais sur un champ de bataille… » De fait, l’acte devint une véritable performance physique dans le goût innovant des sixties, puisque Shiraga a exécuté T. 34 suspendu à une corde, et répartissant la matière colorée avec ses pieds ! Un insolite portrait par Lavinia Fontana lui succédait, datant de la seconde moitié du XVIe siècle, intitulé Portrait d’Antonietta Gonsalvus. Il faut rappeler que la toile (54,5 x 47 cm) représente une petite fille issue d’une famille atteinte d’une maladie très rare, l’hypertrichose, consistant en une pilosité faciale surabondante … Grandie à la cour de Catherine de Médicis, puis passée à celle du duc de Parme, cette petite personne fascinante a multiplié par plus de trois le précédent record mondial de Fontana, avec 1 550 000 €, à partir d’une estimation haute de 120 000 €. Exécutée, elle, au XVIIIe siècle, une feuille très animée nous emmenait en plein air pour 124 000 € : le Cerf aux abois dans les rochers de Franchard, forêt de Fontainebleau. Dessiné par Jean-Baptiste Oudry à la plume et encre de Chine, lavis gris avec des rehauts de gouache blanche sur papier bleu, la composition datée «1733 » (32,5 x 55,5 cm) a été préemptée par le château de Fontainebleau. En revanche, une autre surprise a été réservée par la Grande Baigneuse de Gustave Courbet, qui a fait couler beaucoup d’encre : elle n’a pas trouvé son public.

Une seconde Marie Madeleine, dite La Madeleine Gueffier, s’invitait lors de la vente : celle-ci, plus sensuelle et bien répertoriée, est une école flamande du XVIIe siècle qui a été donnée à l’atelier de Pierre-Paul Rubens (1570-1640). Brossée sur panneau de chêne, l’œuvre (64,5 x 48,8 cm) arbore une « main d’Anvers » tracée et deux cachets de cire qui seraient ceux de Frédéric de Prusse et de la famille Amadori de Bologne… Un périple européen passant aussi par la collection d’Étienne Gueffier – qui lui a donné son nom – à Rome puis l’Auvergne, avant de conquérir ici 117 800 €.

124 000 € ont été nécessaires pour devenir le nouveau propriétaire d’une séduisante figure sacrée peinte par Adriaen Isenbrant ; l’artiste fut actif à Bruges de 1510 à 1551. Il réalise ici le portrait de Marie Madeleine sur un panneau de chêne (40 x 30,3 cm), passé par les collections de Longeville et Louis Henri Girard. On peut rapprocher son visage des modèles féminins dans le volet gauche du diptyque «Van de Velde» d’Isenbrant (exposé aux Musées royaux des beaux-arts de Bruxelles), et de son Portrait d’une dame avec un chien
(collection Thyssen-Bornemisza, Madrid).

Autre star de la Garden Party, avec un résultat de 210 800 €, cette incroyable Citroën 2 CV, de type Azka 1955, réalisée en bois de 2011 à 2017 par Michel Robillard, un menuisier de Blois célèbre pour ses maquettes d’exception. L’automobile, qui a été surnommée « La Belle Lochoise », est naturellement roulante (jusqu’à 80 km/h) ; elle possède un moteur essence de 602 cm3 et sa carte grise. Cinq mille heures de travail ont été nécessaires pour donner forme à ce rêve fou, à partir d’un châssis de Dyane de 1969, habillé d’une carrosserie blonde en pommier et merisier. Elle a été acquise par le musée des Arts forains de Paris

Au rayon mobilier, étincelait cette commode dite «Mazarine» attribuée au Français Nicolas Sageot (1666-1731). Ce dernier s’est fait une spécialité de ces riches modèles marquetés en première partie et contrepartie, de laiton sur fond d’écaille de tortue teintée rouge. De forme mouvementée, coiffée d’un plateau de marbre brèche, elle ouvre par quatre tiroirs, et s’orne sur ses trois faces d’un décor d’arabesques, rinceaux, mascarons, grotesques et coupes fleuries (85 x 126 x 61,5 cm). Pour ce travail de la fin du règne de Louis XIV, et du début du XVIIIe siècle, il fallait avoir prévu 38 440 €.
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