FR
EN

Johann Naldi : Ce chasseur de trésors a trouvé une toile de Courbet !

Samedi 27 mai 2023

Gala, François Ouisse

Sans le bac ni école spécialisée, cet ancien barman de 45 ans s'est imposé sur le marché de l'art. Toujours en quête de chef-d'oeuvres oubliés, il a mis la main sur un nu de Gustave Courbet qu'aucun expert n'avait identifié.


Le 4 juin prochain, au château d’Artigny, en Touraine, Johann Naldi proposera aux enchères La grande baigneuse, nu fémi
nin peint au XIXe sièclepar Gustave Courbet. Son estimation ? Entre 300 000 et 500 000 euros. Difficile de croire que cet habitué de l’hôtel Drouot l’a acquis dans la célèbre salle des ventes parisienne pour... 650 euros. C’était il y a dix ans. «J’avais remarqué la signature en lettres rouges dans le coin gauche », nous raconte ce père de famille au look décontracté et à l’oeil bleu pétillant, loin de l’image compassée qu’on se fait d’un marchand d’art. «J’étais persuadé que d’autres allaient se poser des questions. Mais ce tableau n’avait pas retenu l’attention des commissaires-priseurs, submergés par le flux d’objets qui déferle sur la salle des ventes, ni des “experts”, qui pensent avoir la science infuse et qu’un Courbet non identifié dans une vente anonyme, c’est “trop beau pour être vrai”. Je me bats contre cette expression : le vrai existe et on peut le dénicher partout, en salle des ventes, sur Internet, aux encombrants... Les codes de ce milieu brident la curiosité, qui est pourtant le moteur absolu ! »

Johann n’a pas hérité des codes et c’est sa chance : son parcours atypique lui a ouvert l’esprït. Ce fils d’esthéticienne,
élevé entre Cagnes-sur-Mer et Grasse, a arrêté l’école avant le bac. « J’ai squatté chez les copains avec mon baluchon, été barman dans un théâtre, vendeur de crêpes dans le Vieux Nice... » En 2003, il est engagé comme serveur dans un Ehpad de Peymeinade, sur les hauteurs de Cannes : « Un endroit loin de tout et défraîchi... on se serait cru dans Shining ! » Mais un des pensionnaires à qui il monte son repas est un peintre belge, Pierre Saint-Sorny, et sa chambre, un véritable atelier. « II était pétillant malgré ses 90 ans et m’a ouvert à sa peinture. Ça a été une révélation », admet notre homme.

Internet en est alors à ses balbutiements. Fort des connaissances acquises auprès de son nouvel ami, Johann commence à acheter et revendre des oeuvres sur eBay. « Très vite, avec une estampe de Degas, j’ai gagné deux mois et demi de mon Smic. J’ai démissionné de l’Ehpad. »

Devenu marchand d’art à Paris, un temps galeriste, Johann Naldi a gardé cette âme de « chasseur de trésors » qui ne lui vaut pas que des amis parmi ses pairs. « Je suis plus un chercheur qu’un marchand », confirme-t-il, comparant aussi son activité à celle d’un avocat. « A partir d’une intime conviction, il faut construire un dossier pour plaider sa cause auprès des experts. II faut investir des milliers d’euros en analyses scientifiques et plusieurs années se passent avant un verdict toujours incertain. » Pour La grande baigneuse, longtemps exposée à la vue de ses deux filles adolescentes... au-dessus de la cheminée familiale, l’authentification a pris sept ans. Secondé par sa femme, Johann Naldi poursuit sa quête inlassable. « Je ne prendrai jamais ma retraite. J’ai besoin de cette adrénaline », avoue ce passionné en assurant que les trésors oubliés « pullulent ».II rêve ainsi de mettre la main sur les cinq des dix Monomanes (des portraits de fous) peints par Gericault dont on ignore la localisation. Et insiste, sur la foi de son parcours : « La chasse est ouverte à tous. » Alors, amis lecteurs qui n’êtes pas experts en art mais rêvez du fabuleux destin de Johann Naldi... ayez l’oeil et l’esprit
toujours en éveil !
Inscrivez-vous à notre newsletter :
Suivez-nous :