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Du sauvage au modèle

Vendredi 26 mai 2023

La Gazette Drouot, Caroline Legrand

La troublante histoire d’Antonietta Gonsalvus, souffrant d’hypertrichose, ne laissera pas insensible. Son portrait est l’une des vedettes de la Garden Party organisée au château d’Artigny, aux côtés d’une 2 CV en bois ou d’un manuscrit d’Alfred Jarry, entre autres.

La petite fille est apprêtée, portant une robe brodée et une parure raffinée, comme toujours, puisqu’on aimait l’habiller comme une poupée. Elle se tient face à nous, tenant un papier évoquant l’histoire incroyable de sa famille. Mais dans le regard d’Antonietta, la peintre Lavinia Fontana a su capter toute la douceur, et sans doute l’inquiétude, de cette enfant de 10 ans considérée comme un animal à cause de sa maladie : l’hypertrichose. Le mariage de son père, Pedro Gonzales, atteint tout comme elle de cette maladie provoquant une pilosité abondante sur le visage, et de sa mère, Catherine Raffelin, aurait ainsi inspiré à Gabrielle-Suzanne Barbot de Villeneuve l’histoire de La Belle et la Bête, publiée en 1740. Né à Ténérife, Pedro est offert en 1547, à 10 ans, au roi de France Henri II à l’occasion de son sacre. S’il est ensuite élevé avec les autres enfants de la cour de Fontainebleau, il est source de prestige royal, exhibé comme un objet de collection. Au décès du roi, en 1559, il est marié et restera à la cour jusqu’à la disparition de Catherine de Médicis, trente ans plus tard. Désormais en disgrâce, les Gonsalvus et leurs sept enfants, dont quatre atteints de cette maladie, partent pour l’Italie, cherchant de nouveaux protecteurs. Ils seront finalement placés en 1591 sous la tutelle du duc de Parme, Ranuce de Farnèse, et Antonietta offerte à Isabella Pallavicina, marquise de Soragna. Scientifiques et artistes ne manquèrent pas d’être intrigués par cette famille, ainsi s’agit-il des premiers cas d’hypertrichose décrits de l’histoire. En 1594, Antonietta fut examinée par Ulisse Aldrovandi, dont les notes furent publiées en 1642 sous le titre Monstrorum historia. Celui-ci était ami avec Lavinia Fontana, élève de Sophonisba Anguissola et peintre maniériste dont les portraits et autoportraits étaient forts célèbres pour leur rendu psychologique. Elle peignit ainsi cette représentation dans le cadre de sa collaboration aux quelque huit mille aquarelles illustrant l’ouvrage d’Aldrovandi. On perd la trace d’Antonietta à la fin du XVIe siècle, l’année de sa mort étant inconnue. Un portrait similaire de Lavinia Fontana est conservé dans la chambre de Catherine de Médicis au château de Blois. Mais celui du château d’Artigny, provenant de la famille Berillon — installée en Bourgogne depuis le XVIe siècle — pourrait, selon les experts, être la version originale.

Alfred Jarry

Ce manuscrit autographe complet est celui d’un des plus beaux et oniriques textes d’Alfred Jarry (1873-1917), Les Jours et les Nuits, écrit à l’encre noire par son auteur, à Paris en 1897, peu après Ubu roi. Pas moins de 50 000/80 000 € sont à envisager pour ce volume in-8° composé de 259 pages autographes et de sa reliure d’époque, probablement réalisée pour Victor Lemasle (1876-1932). C’est d’ailleurs dans la collection de ce dernier, également éditeur du dernier livre de Jarry en 1907, Albert Samain, que cet ouvrage se trouvait tout d’abord, avant de passer dans celle du marchand et ami du pataphysicien, Louis Lormel (1869-1922). La quarantaine de fragments de manuscrits d’Alfred Jarry est conservée dans plusieurs grandes institutions, notamment la BnF et la bibliothèque littéraire Jacques Doucet. Rare à plus d’un titre, celui-ci est pour sa part complet… et encore en mains privées (M. de Proyart, expert).

Chemise talismanique

20 000/30 000 € sont attendus pour cette rare chemise talismanique, issue d’un travail de l’Inde moghole au XVIIe siècle (Mme Soustiel, experte). En coton épais, elle est composée de six parties rectangulaires cousues ensemble, finement inscrites, à l’encre noire, rouge et beige (possiblement une trace de peinture à l’or), de versets coraniques dans des compartiments carrés, la litanie des noms fivins de Dieu figurant en bihâri sur la bordure (51,5 x 75 cm). Portées à même la peau, sous les vêtements ou une armure, ces tuniques offraient une protection spirituelle et physique à leur propriétaire. D’après la tradition familiale, celle-ci a appartenu à la collection de Mohammed Alim Khan (1880-1944) à Boukhara, puis à celle de Jamshed Khan en Afghanistan, avant d’arriver dans celle de Mourid Ahmad à Strasbourg, et de rester dans sa descendance.

2 CV en bois

Non, vous ne rêvez pas, cette 2 CV est bien en bois ! Mais elle roule, a passé le contrôle technique et possède une carte grise. Cette « deudeuche » hors du commun est l’œuvre de Michel Robillard. Ce Blésois, charpentier et menuisier, réalise depuis la fin des années 1990 des maquettes en bois. Il fut médaillé d’or au Mondial de cette spécialité à Paris en 2004. De 2011 à 2017, il lui fallut pas moins de cinq mille heures de travail afin de réaliser cette voiture, d’après le modèle type « Azca » de 1955, composée d’un châssis de Dyane de 1969 et d’une carcasse en poirier pour l’ossature, le pommier et le merisier étant choisis pour les pièces de carrosserie, et l’orme pour le tableau de bord – le tout pesant pas moins de 600 kg. Surnommée « La belle Lochoise », cette 2 CV, la seule en bois existant, peut atteindre 80 km/h. Prévoir 150 000/200 000 € pour prendre son volant.

Jan Porcellis

Affichant pour provenance la collection Pierre Lapeyre (1820-1889) au château de Claux, à Naucelles dans le Cantal, puis une autre du Val-de-Loire, cette grande toile (102 x 158 cm) dépeint une saisissante scène de marine, dans laquelle plusieurs navires, tant anglais que néerlandais, ainsi qu’un bateau de pêche tentent de braver une impressionnante tempête. Ces Voiliers sur une mer agitée, annoncés à 40 000/60 000 € (Cabinet Turquin), ont été peints par Jan Porcellis (1583/85-1632). Actif à Londres comme à Amsterdam, Anvers, Haarlem ou Rotterdam, ce Flamand est l’un des premiers à se spécialiser dans le genre maritime, au moment même où est créée la Compagnie des Indes orientales. Il aurait exécuté cette peinture à Haarlem entre 1622 et 1624, à une époque où il s’intéresse aux variations climatiques et au travail de l’ombre et de la lumière. Ambitieuse et de format imposant, elle devait être l’objet d’une importante commande.

Dimanche 04 Juin 2023 - 14:00 (CEST) - Live
Château d'Artigny, 92, rue de Monts - 37250 Montbazon
Rouillac
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