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Un voyage au pays de Gandhi

Samedi 25 mars 2023 à 07h

par Philippe Rouillac


Cette semaine, Anne, de la Chaussée-Saint-Victor, soumet à l’expertise de notre commissaire-priseur une lithographie indienne. L’occasion pour Philippe Rouillac de nous embarquer dans un voyage au pays de Gandhi et de nous en dire plus sur l’histoire de cet objet.

L’Inde ! Pays immense et contrasté, des sommets éternellement enneigés de l’Himalaya aux chaudes mers du sud, des épices colorées de Madras à l’agitation perpétuelle des rues animées de Calcutta. Ses paysages magnifiques, sa densité culturelle et la variété de ses philosophies et de ses religions ont largement inspiré les artistes issus du sous-continent, et ce depuis des milliers d’années. Aujourd’hui, Anne, vous nous donnez l’occasion de nous pencher sur un artiste indien dont les liens avec la France, mais aussi notre région, sont très forts. Akkitham Narayanan nait en 1939, dans une famille hindouiste Brahmane, considérée comme la caste supérieure dans la société indienne et dont tant d’artistes et de poètes du sous-continent sont issus. Au début des années 1960, après l’obtention de son diplôme à l’École des Beaux-Arts de Madras, il obtient une bourse d’État qui lui permet de peaufiner sa connaissance des arts picturaux indiens alors en plein renouveau. Il travaille à l’atelier de K.C. S. Panicker, fondateur du néo-tantrisme. Le néo-tantrisme est un mouvement artistique qui cherche à émanciper l’art de l’influence occidentale en revenant aux symboles et idiomes historiques indiens. Entre le XVIIe et l’indépendance de l’Inde en 1947, les puissances occidentales, en particulier l’Empire britannique, se sont attachées à « civiliser », à leur image, la société indienne. Panicker interprète les anciennes philosophies et connaissances métaphysiques, dont le pays regorge et les restitue dans son travail, sans oublier de transmettre ce savoir à ses étudiants. Akkitham profite donc de cet enseignement.

Il part ensuite pour Paris, avant ses trente ans, dans le cadre d’un échange culturel. Il s’imprègne de culture artistique européenne à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris jusqu’en 1970. C’est un tournant dans sa jeune carrière. En effet, sa profonde réflexion bercée de néo-tantrisme et sa réinterprétation des symboles cosmiques indiens le poussent vers l’abstraction. Naissent alors des œuvres complexes, compositions géométriques colorées et mystérieuses, emplies de références à la philosophie hindouiste, à l’image de son pays natal. Son travail est apprécié et récompensé, et il ne tarde pas à exposer partout dans le monde. Le Val de Loire n’est pas en reste puisque, dans les années 1980, Akkitham Narayanan expose deux fois à la galerie la Marge sur la Place du Château de Blois, ainsi qu’à Orléans, au château de Talcy et à Saint-Pierre-des-Corps dans les années 1990 et 2000. Si sa dernière exposition personnelle date de 2015, Akkitham Narayanan vit toujours à Paris.

Les peintures de Narayanan connaissent un certain succès aux enchères, en Inde et en France, certaines de ses toiles s’échangeant pour plusieurs milliers d’euros. Cependant, c’est probablement une épreuve d’artiste, signalée par les lettre E / A, que l’on semble apercevoir en bas à gauche, et signée dans la marge que vous nous proposez, chère Anne. Si elle semble de qualité, reprenant des thèmes chers à Narayanan, à défaut de certaines informations importantes comme les dimensions ou la quantité de tirages effectués, votre lithographie pourrait trouver amateur aux alentours de 40 euros. Pas de quoi s’offrir un billet pour le Rajasthan, mais amplement suffisant pour déguster un délicieux thé Darjeeling en relisant les Méditations de Gandhi.
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