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Ohé les gars de la marine !

Samedi 04 mars 2023 à 07h

par Aymeric Rouillac

Cette semaine, Jean-Pierre, de Bourré, nous propose de prendre le large avec une affiche maritime d’Étienne Blandin. L’occasion pour Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de cet objet.

« La mer joint les régions qu’elle sépare ». Par cette semonce, le philosophe Alexander Pope démontre toute la complexité des rapports de l’Homme avec la mer. A la fois barrière infranchissable et dangereuse, la mer est aussi la plus vaste des routes. Très vite, les artistes du monde entier peignent la mer, sa lumière, et tentent de retranscrire ses lancinantes ondulations. Dès la préhistoire, les cavernes se parent de gravures d’embarcations et de flots. L’antiquité, sous l’impulsion des grands navigateurs que sont les Grecs ou les Phéniciens, nous a laissé de nombreuses représentations maritimes, ornant notamment des poteries. Au Moyen-Âge, l’art de la marine prend un nouvel élan. Comment ne pas citer ici la tapisserie de Bayeux représentant la conquête de l’Angleterre par Guillaume de Normandie ? Entre le XVe et le XIXe siècle, la peinture de Marine devient un genre à part. De l’âge d’or hollandais à l’impressionnisme, les sujets maritimes sont très présents dans l’histoire de l’art : Vernet et ses célèbres vues de ports, Hokusai, dont on ne présente plus la célébrissime Grande Vague, ou encore Monet et son amour de la côte normande.

En France, dès la fin de la Renaissance, de nombreux artistes travaillent pour la Marine Royale. Au départ, il s’agit de décorer les navires ainsi que représenter les grands évènements, batailles ou naufrages. En 1830, le titre de peintre de la Marine devient officiel. Les premiers peintres de la Marine sont Louis-Philippe Crépin et Théodore Gudin. Tout au long du XIXe siècle et malgré les nombreux changements de régime, la liste de ces peintres s’enrichit de grands noms de la peinture française. En 1920, les peintres de la Marine sont nommés par décret du Ministre de la Défense pour une période de cinq ans renouvelables. Le XXe siècle verra aussi son lot de peintres célèbres rejoindre la prestigieuse institution, tels que Félix Ziem, Paul Signac ou encore Charles Lapicque. Le titre de peintre de la Marine ne donne pas à l’artiste une gratification salariale supplémentaire, mais des avantages, comme la possibilité d’embarquer sur les navires de guerre de la Marine Nationale, le port d’un uniforme ou le rattachement au Centre d’études stratégique de la Marine. Et, reconnaissance ultime, le droit d’apposer une ancre à côté de sa signature, prouvant ainsi son appartenance à l’institution.

C’est ainsi qu’Étienne Blandin, né en Bretagne en 1903 et artiste dès son plus jeune âge, est nommé peintre officiel de la Marine en 1933. Engagé volontaire en 1939 malgré une insuffisance cardiaque qui lui aurait valu une réformation, Blandin est instructeur à Saint-Brieuc jusqu’à la défaite de la France l’année suivante. Après la guerre, Blandin jongle entre son métier d’enseignant à l’École d’administration marine et sa prolifique carrière de peintre. Décédé en 1991, Étienne Blandin laisse derrière lui des centaines de peintures et dessins, offrant un très intéressant voyage dans l’histoire de la Marine du XXe siècle. Parmi ces œuvres, Blandin a également produit des affiches pour les événements nautiques et maritimes. L’affiche de Jean-Pierre, ayant pour base une aquarelle de Blandin et tirée à probablement de très nombreux exemplaires, est destinée à la Semaine de la Voile de 1958. Elle semble dans un excellent état et la composition navale représente trois grands voiliers, «la Belle Poule » au premier plan, probablement « le Français » mais semblant battre pavillon norvégien… ? et un autre bateau noir non identifié. Si les tableaux de Blandin s’échangent pour plusieurs milliers d’euros, les affiches, bien qu’appréciées, réalisent évidemment des scores plus modestes. Avec toutes ses qualités, l’affiche de Jean-Pierre pourrait trouver amateur aux enchères aux alentours de 50 euros. Une belle occasion de voyager sur l’océan infini sans quitter son salon !
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