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L’officier à l’heure pour la bataille

Samedi 25 février 2023 à 11h07

par Philippe Rouillac

Cette semaine, Xavier nous apporte un objet étonnant, emblématique des campagnes et grandes batailles napoléoniennes : une pendule de voyage dite « d’officier » ! Notre commissaire-priseur, Philippe Rouillac, nous éclaire sur l’histoire de cet objet et en profite surtout pour remettre les pendules à l’heure.

En laiton et métal inoxydable à caisse quadrilatère, la pendule est surmontée d’un fronton à doucine avec une prise en forme d’anneau mobile. Le fronton, la caisse et la base sont joliment décorés de volutes affrontées, feuilles, cartouches, fleurs épanouies et papillons. Comme le veut la tradition, le cadran est émaillé blanc et indique les heures en chiffres romains. Cependant, votre pendule présente une complication : un mode réveil ! C’est une pendule à triple cadran. Situés à 12h et à 6h, ils indiquent les heures et les minutes en chiffres arabes et permettent à l’aide d’une clé de régler l’heure exacte du « réveil ». C’est un mouvement mécanique sonnant très probablement également les heures et demi-heures.

Mais pourquoi l’horloger a-t-il doté cette pendule d’une poignée ? Pour comprendre l’origine de cet élément, il faut se plonger dans l’évolution de l’horlogerie européenne. Au milieu du XVIIe siècle, grâce à l’invention du balancier à ressort spirale par le hollandais Christian Huygens, on résout le problème du transport des pendules. Les cloches de l’église du village et les pendules publiques des grandes villes n’ont plus le monopole de la mesure du temps. Une élite souvent itinérante se dote de pendules de voyages ! Abraham Louis Breguet, horloger du roi, crée à la fin du XVIIIe siècle, un style de pendule du voyage qui se répand dans toute l’Europe : massive, une poignée permet de la transporter de pièce en pièce, mais surtout d’habitation en habitation. De plus, elle sonne le plus souvent les heures et les quarts-d’heure, ce qui permet d’avoir une idée de l’heure sans avoir à rallumer une chandelle pendant la nuit… À l’origine, il s’agit d’une typologie de pendules qui ne se conçoit pas sans son écrin de cuir, permettant de la protéger des chocs.

On doit son nom pendule « d’officier » à Napoléon Ier, qui donne à cet objet une vocation militaire. Il rend la possession de ces pendules obligatoire. On raconte que Napoléon, tacticien de génie, a failli perdre une bataille à cause du retard de ses officiers équipés de montres de poche… Peu précises, ces montres se révèlent être un désavantage considérable lors des manœuvres militaires. Il a donc l’idée d’imposer la pendule de voyage, dotée d’un mécanisme beaucoup plus perfectionné. Pour la mise en œuvre de ses tactiques, il ordonne que chaque officier en possède une… La pendule « d’officier » reprend l’aspect quadrangulaire de la pendule de voyage, conserve son mécanisme simple, un cadran à la lecture rapide, mais devient plus compacte.

Plusieurs manufactures de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle copient ces pendules. C’est le cas de la maison l’Épée, qui décline ces objets en de nombreuses collections. Mais, la marque « XE » gravée sur le mécanisme de votre pendule laisse penser qu’elle provient de la maison Japy Frères, initialement installée dans le Territoire de Belfort. L’industriel Japy, s’efforçant très tôt de remplacer l’homme par la machine, produit en masse, et à l’horlogerie s’ajoutent au fil des années la quincaillerie, les ustensiles de ménage, la machine à écrire et même les casques des poilus…

Pour votre pendule de voyage dit « d’officier » datant de la fin du XIXe-début du XXe siècle, en bel état, mais au décor plus proche de l’Art nouveau que du Premier Empire… nous pourrions articuler un prix autour de 100 €. Cependant, cher lecteur, avec un tel objet à vos côtés, vous ne perdrez jamais une bataille !
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