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Une Saint-Valentin galante

Samedi 11 février 2023 à 07h

par Aymeric Rouillac

Cette semaine, Lydie soumet à notre expertise un service de près de 80 pièces en porcelaine, à décor de scène galante. L’occasion pour Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur la valeur et l’histoire de cet ensemble.

Tous les ans au 14 février, de nombreux couples transis fêtent la Saint-Valentin. Une belle occasion de célébrer l’Amour autour d’un bon repas… et doper le chiffre d’affaire des fleuristes ! Cette fête, au succès planétaire, trouve son origine dans les Lupercales de la Rome antique, grandes festivités organisées par les prêtres faunesques ayant pour thèmes principaux la purification et la fécondité. La fête est tout d’abord proscrite par l’Église, avant que la Saint-Valentin soit fixée au 14 février et associée aux amoureux. Au XVIIIe siècle, Valentins et Valentines s’échangent des billets doux, puis, au XIXe siècle, la fête connait un essor commercial important aux États-Unis. C’est aujourd’hui une célébration dont le succès ne se dément pas.

Pour parfaire ce tête-à-tête romantique, la vaisselle de Lydie, à décor de scènes galantes inspirées de Watteau, est tout à fait à propos. Antoine Watteau, né en 1684 dans le nord de la France, est l’un des grands peintres du XVIIIe siècle et de l’âge d’or du style rocaille. Ce mouvement artistique, qui concorde avec le règne de Louis XV, célèbre la nature et tranche par sa légèreté avec le sérieux et l’austérité qui ont marqué le siècle de Louis XIV. Si les scènes de fêtes champêtres existent déjà à la fin du XVIIe siècle, Watteau crée les fêtes galantes. Le grand peintre représente alors la noblesse s’amusant dans un cadre végétal souvent luxuriant. Même si les mœurs du début du XVIIIe siècle s’adoucissent, cela reste un risque pour Watteau. En effet, selon la hiérarchie des Beaux-Arts, les scènes quotidiennes sont considérées comme insignifiantes, voire vulgaires et, de fait, inférieures à la peinture historique et aux scènes antiques. Pourtant, Watteau réussit à s’attirer le soutien des élites françaises et l’Académie crée un nouveau genre de peinture les « scènes galantes », pour ne pas s’aliéner le surdoué de Valenciennes.

Il est très courant que l’industrie porcelainière s’inspire de peintres pour décorer ses créations. Sèvres, Limoges, ou de plus modestes manufactures associent des artistes à leurs assiettes, notamment Fragonard, dont les peintures libertines et colorées ornent de nombreux modèles. En Allemagne, la manufacture de Meissen emprunte dès le XVIIIe siècle les sujets de Watteau. Le service de Lydie n’est pas de Meissen, malheureusement, mais bien d’une manufacture bavaroise. Fondée en 1882 par Oscar Schaller, cette manufacture change régulièrement de marque au dos de ses créations. Celle présente sur le service de Lydie, faite d’un monogramme entouré d’une couronne de lauriers, est utilisée après 1918 et le rachat de l’entreprise par les frères Winterling. La nouvelle société fait alors du thème rococo présent sur ces assiettes sa spécialité. La scène principale de votre service, chère Lydie, présente un couple en discussion, tout en retenue, séparé par une balustrade. Une profusion de fleurs et de verdure laisse imaginer un jardin agréable et une douceur printanière propre aux amours délicates. Les pièces de ce service semblent en bon état ; bien que ce style soit beaucoup moins demandé qu’auparavant, il devrait pourtant trouver amateur aux alentours de 150 euros. Une somme raisonnable pour magnifier un repas en amoureux et teinter de romantisme le glacial mois de février.
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