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Une broche franco-chinoise de dragon…cochon

Samedi 04 février 2023 à 07h

par Philippe Rouillac

Cette semaine, Hanane soumet à notre expertise un bijou doré. L’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de lever le mystère sur la matière de cet objet et de nous en dire plus sur son histoire et sa valeur.

Alors que les dragons du Nouvel An chinois finissent leurs parades, en voici-un en forme de bijou qui n’a pas fini d’éblouir ! Il s’agit d’une jolie broche dorée ornée d’un dragon chinois autour d’un monogramme. Mais s’agit-il bel et bien d’un bijou chinois en or, comme le laissent présumer sa couleur et son décor ?

La question est légitime, car dans l’empire du Milieu comme dans tant d’autres civilisations, l’or est un matériau convoité et adulé pour son éclat et son caractère impérissable. Martelé, ciselé, incrusté, il se prête en Chine à toutes les métamorphoses pour parer hommes et femmes de boucles d’oreilles, ceintures, bagues, colliers, broches… Mais ma chère Hanane, comme vous l’avez deviné, à l’examen du revers de votre broche, on observe la signature discrète de : « Line Vautrin ».

Votre broche n’est donc pas chinoise, mais française ! Elle est réalisée par Line Vautrin (1913-1997), l’une des femmes artistes pionnières du design aux côtés d’une autre icône : Charlotte Perriand. Line Vautrin est aujourd’hui célèbre pour ses miroirs en talosel, dits « miroirs de sorcières ». Mais votre bijou nous rappelle qu’avant de devenir la « poétesse du métal », elle bâtit sa réputation grâce aux bijoux qu’elle présente à l’Exposition universelle de 1937. En 1939, elle expose au salon des artistes décorateurs de jolis accessoires pour femme : poudriers, piluliers en bronze doré aux délicats couvercles incrustés de rébus… Elle continue de briller et résister à sa manière sous l’Occupation en créant des thèmes patriotiques, tels des boutons au coq gaulois ou autres objets reprenant les coloris du drapeau tricolore, très recherchés en ventes publiques.
Bien que votre broche soit une production totalement design d’après-guerre, rappelons que cette typologie de bijoux remonte à l’âge du bronze ! La broche est la petite sœur de la fibule, une agrafe qui servait à fixer les extrémités d’un vêtement. Progressivement, la fibule a perdu sa fonction utilitaire pour devenir uniquement un objet d’ornementation. Line Vautrin, qui aime puiser dans l’iconographie ancienne pour créer des fibules 2.0, réinterprète ainsi la mythologie grecque, les mythes fondateurs et autres monstres exotiques, tels que le « dragon chinois ». Parmi la production de Line Vautrin, ses colliers et bracelets sont les bijoux les plus prisés sur le marché de l’art. Ils ne sont jamais en or mais plutôt, comme le vôtre, en bronze doré. Néanmoins, la rareté de votre broche et son esprit avant-gardiste en font un objet qui a du panache et fait mentir celles et ceux qui trouvent que la broche est un bijou désuet…

Mais attention si le dragon symbolise le pouvoir, la puissance ainsi on le retrouve partout et pas seulement à Pékin à la Cité Interdite, c’est une mascotte de l’esprit pionnier, inébranlable – curieusement sur cette broche le caractère chinois inséré en son centre est celui du…cochon ! Un commissaire- priseur expert qui a appris le mandarin ç’est toujours utile dans notre métier ! Rappelons que pour les chinois les cochons sont des personnes diligentes compatissantes généreuses. En astrologie la dernière année du cochon était en 2019, la prochaine sera en 2031. Pourquoi l’artiste a associé le cochon au dragon ? Elle n’est plus là pour nous répondre !

Pour cet ornement féminin, bien patiné, créé par une icône du design, nous pourrions articuler un prix entre 200 et 400 euros… Peut-être davantage si Falbala l’arbore dans le tout nouveau film de Guillaume Canet : avec Astérix et Obélix dévorant les cochons sauvages de sanglier, à la découverte de l’Empire du Milieu !
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