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Mon royaume pour un cheval !

Samedi 21 janvier 2023 à 07h

par Philippe Rouillac

Cette semaine, Dominique, de Cellettes, soumet à l’expertise de Philippe Rouillac une toile représentant des chevaux, signée de Raimond Lecourt. L’occasion pour notre commissaire-priseur de revenir sur l’histoire passionnante de ce peintre, ainsi que sur la valeur de cette toile.

« On n’a pas besoin de décorations dans un pays qui n’a plus le moindre sens de l’honneur ! ». Ces mots, qui barrent un diplôme d’obtention de la Médaille militaire, sont de Raimond Louis Lecourt. Ils font suite à l’armistice signée entre Pétain et Hitler en 1940, poignée de main qui a totalement révolté ce héros de la Première Guerre mondiale. Car derrière les toiles animalières et les paysages lumineux se cache un artiste dont la carrière a été trop souvent minée par les guerres. Né au Havre en 1882, Raymond Lecourt, orphelin à 12 ans, grandit entre les plages de galets normandes et les vertes pâtures du Pays de Caux. Il entre, au crépuscule du XIXe siècle, à l’école des Beaux-Arts du Havre qui est alors dirigée par le peintre Charles Lhuillier. Lecourt part ensuite pour Paris rejoindre l’atelier de Léon Bonnat, où il se lie d’amitié avec Othon Friesz. Il peint les paysages de sa Normandie natale et développe une grande habileté en matière de peinture animalière, notamment celle des chevaux.

Malheureusement, la Grande Guerre vient mettre en suspens la carrière prometteuse du peintre, qui, comme tant d’autres jeunes hommes, est appelé sous les drapeaux. Sa conduite héroïque dès les premières heures de la guerre lui vaut plusieurs décorations. Une mauvaise blessure au bras droit l’empêche de l’utiliser et à la fin de la guerre, Lecourt se voit contraint de dessiner de la main gauche. Après une longue convalescence, il retrouve cependant l’usage de sa main et peut se remettre au travail. Ce sont les années les plus productives de sa carrière. Sa peinture s’intéresse aux paysans, décrivant le quotidien des laboureurs de l’arrière-pays normand. Les chevaux de Lecourt sont admirables, qu’ils soient au travail des champs, ou au repos dans les prés ; le peintre est un animaliste reconnu.

Mais, comme précédemment évoqué, la guerre est partie intégrante de la vie de Lecourt. Nous l’avons vu plus haut, à l’annonce la reddition de la France, il renvoie les décorations qu’il a obtenues lors de la guerre précédente. S’ensuivent alors des années difficiles. En effet, la maladie ne l’épargne pas et son atelier est détruit lors d’un bombardement. Malade et lassé, Raimond Lecourt s’éteint en janvier 1946.

Le tableau de Dominique est un « classique » de Lecourt : une scène paysanne où les chevaux de trait sont préparés pour le labour dans une cour de ferme. Bien que le paysan soit au cœur de la composition, ce sont les braves chevaux qui attirent tout de suite l’œil, avec leurs belles robes gris pommelé et noir. « L’homme n’aura jamais la perfection du cheval », nous disait Spinoza, pensée philosophique que Lecourt transfère à la peinture. La toile, de belles dimensions (100 x 73 cm), est signée en bas à droite et datée de 1926. Mais, plus étonnant, un second tableau se dévoile lorsque l’on retourne la toile ! En effet, au dos, de très jolies vaches normandes se rafraichissent au bord d’un ruisseau. Avec toutes ses qualités, notre tableau devrait trouver amateur aux enchères aux alentours de 300 €. En cette période de soldes, l’occasion de s’offrir deux tableaux pour le prix d’un !
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