Adjugé, vendu : des livres anciens à 17 000 euros aux enchères à Tours
Samedi 14 janvier 2023
France 3 Centre Val de Loire, Perrine Roguet.
Dans l'un des salons de l'hôtel L'Univers, dans le centre-ville de Tours, Rouillac, père et fils, organisaient des enchères, ce samedi 14 janvier 2023. A la vente, la première partie d'une bibliothèque familiale.
Les codes sont respectés, l'endroit est feutré, et le marteau frappe à chaque vente conclue. L'hôtel l'Univers, au centre-ville de Tours accueillait ce samedi 14 janvier l'une des ventes des commissaires-priseurs Rouillac.
Pour enchérir dans la salle, les signes de main sont discrets, les hochements de tête immédiatement compris par Aymeric Rouillac.
Parmi les 184 lots proposés aux enchères, 34 étaient des éditions rares des fables de Jean De La Fontaine
Acheteurs du monde entier
Par téléphone ou en ligne, d'autres acheteurs, encore plus anonymes, font monter les enchères à distance. Comme pour cet exemplaire des "Caractères de Théophraste" de Jean de La Bruyère, vendu 14 500 euros à un acquéreur Londonien.C'est en un coup de fil au père de la maison, Philippe Rouillac, que le britannique a fait augmenter le prix, à coup de 500 euros, jusqu'à conclure l'affaire. Voilà qui valait bien un "merci monsieur".
Sur écrans ou par téléphone, plusieurs commissaires transmettent les offres de la part de client souvent anonymes.
A cette somme, il faudra ajouter 24% de frais de vente, ainsi que d'autres suppléments pour les acquéreurs en ligne. Le plus gros montant, 17 000 euros, aura été déboursé pour les encyclopédies de Diderot et d'Alembert. Au total, 226 000 euros de vente pour la premier volet de cette collection nommée "Fabulae".
Pour ces acheteurs à distance, tout est pensé. Une camera permet de montrer les livres, parfois les manipulant pour en montrer les pages. Plus vrai que nature.
Même à distance, les personnes connectées peuvent visualiser les livres mis en vente.
Collectionneurs
Si les sommes se sont parfois envolées, souvent à l'étranger, d'autres chineurs étaient bien présents et actifs dans la salle. Pierre Delages est l'un d'eux. 28 ans, casquette vissée sur la tête, il écume les ventes depuis environ un an. "Je collectionne un peu de tout, des livres, des tapis persans" explique-t-il."C'est vrai qu'au début, quand on passe la porte d'une salle, on se demande où on est" se souvient le comédien. Rapidement, il intègre les codes : "on peut penser que c'est réservé à une certaine classe, mais pas du tout. Oui, je gagne plutôt bien ma vie, mais pas des sommes mirobolantes non plus".
Pierre Delages est venu spécialement pour acquérir des oeuvres de Molière. Pour éviter les folies, il se fixe un budget avant même le début de la vente.
Une vente comme celle-ci, ça se prépare. Quelques jours avant, il avait déjà repéré les livres sur lesquels il prévoit d'investir : "ce n'est pas pour les revendre après, mais pour me faire un cadeau, j'avais quelques économies." Pour un exemplaire de George Dandin de Molière, il a dépensé 350 euros, hors frais.
Bibliothèque d'une famille mystérieuse
Au cœur des convoitises, plusieurs centaines de livres qui viennent d'une seule et même bibliothèque. Celle de monsieur T. Un nom mystère derrière lequel se cachent trois générations d'hommes qui ont constitué cette collection à Vierzon, dans le Berry."Ils ont rêvé avec leurs livres" affirme Jean-Paul Veyssière, l'expert qui s'est occupé de trier et authentifier les ouvrages qui datent souvent des XVIe et XVIIe siècles. On les devine passionnés de littérature, les livres sont très souvent accompagnés de fiches "plus ou moins objectives", faites de remarques. Jean De La Fontaine, Molière, De Bruyère, Marie-Catherine Villedieu, les auteurs et autrices sont nombreux, et leur qualité de conservation laissent transparaitre "un sentiment d'amour profond du livre" assure Jean-Paul Veyssière.
Dans les lots mis en vente ce samedi 14 janvier, plusieurs exemplaires des fables de La Fontaine, ou encore des ouvrages de Molière
Retournement de situation
Alors qu'un manuscrit vient d'être vendu pour 1 400 euros, Clotilde Roy vient bousculer l'ordre des choses. Elle se lève et indique sa volonté de préempter cet exemplaire de l' "Histoire amoureuse des Gaules" de Roger de Bussy-Rabutin. Plus simplement : au nom de l'Etat, elle vient de le dérober à son tout frais propriétaire, en toute légalité. Il ira donc directement à la bibliothèque nationale, pour être conservé en collection publique.C'est un droit qu'elle a en tant que responsable des acquisitions pour le centre des monuments nationaux, établissement public sous l'égide du ministère de la culture. Dans la centaine de monuments que le centre rassemble, le château d'Azay-le-Rideau, ou encore celui de Bussy-Rabutin, en Bourgogne.
Pendant la vente, une préemption a eu lieu pour le compte du centre des monuments nationaux. C'est assez rare, de souvenir de Philippe Rouillac, c'est arrivé cinq fois sur l'année 2022
Pamphlet
C'est à cause de ce manuscrit que l'auteur s'est retrouvé exilé pendant 17 ans dans son château et enfermé quelques mois à la Bastille.Au départ, il l’écrit rien que pour sa maîtresse malade. Il veut la distraire pendant sa convalescence. Destiné à être secret, il se retrouve prêté à une amie, puis de fil en aiguille termine édité aux Pays-Bas.
À l'intérieur, toutes les frasques de la monarchie et l'aristocratie française. Les amours du Roi Soleil y sont racontées. Les personnages y sont anonymisés. Ce n'est que plus tard que Louis XIV est nommé, à travers une note explicative.