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Une Peugeot qui roule au café

Samedi 14 janvier 2023 à 07h

par Aymeric Rouillac

Cette semaine, Valérie, de Saint-Amand-Longpré, nous propose un moulin à café breveté par les frères Peugeot. L’occasion pour Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, de revenir sur l’étonnante histoire de cet objet.

Les origines de la consommation de café tiennent de la légende. En effet, un berger abyssinien aurait remarqué l’effet excitant des fruits d’un arbuste sur ses chèvres, le poussant à en consommer lui-même pour résister à la tentation du sommeil lors de ses longues journées de labeur. La consommation de café « arabica » se répand dans la péninsule arabique au cours du XIIIe siècle et sa culture au XVe siècle, notamment aux alentours du port de Mokka, au Yémen. Les Vénitiens importent le breuvage en Europe via l’Egypte. Le café remporte un franc succès au XVIIe siècle à la cour de Louis XIV et va s’imposer sur le Vieux Continent. Le premier établissement français de service de café ouvre en 1672 aux alentours du Pont-Neuf. Paris, Londres, Leipzig et bien entendu Vienne voient les cafés se multiplier. La consommation de café explose au XVIIIe siècle, poussant les puissances européennes à cultiver le grain dans leurs colonies. Désormais, on récolte le café en Amérique du sud, en Afrique occidentale ou en Indochine. “Peu m’importe qu’il y ait du sucre aux Indes, de la porcelaine à la Chine, du café en Arabie ; il faut qu’on me l’apporte”, commentera Condorcet.

L’engouement pour les cafés en Europe aura une répercussion sur les artistes. Boucher au XVIIIe, Manet au XIXe siècle, et d’innombrables autres, maîtres ou peintres du dimanche, s’inspirent à la fois de la boisson et des maisons de consommation pour leurs créations. Les cafés en tant qu’établissements sont des lieux essentiels de sociabilité, faisant dire à Balzac “Le comptoir d'un café est le parlement du peuple.” La démocratisation du café se poursuit aux XIXe et XXe siècles ; il est aujourd’hui le rituel matinal de près de 95% des français.

Pour préparer un bon café, il faut des grains séchés et torréfiés que l’on va ensuite moudre. Pour ce faire, on utilise tout d’abord un pilon à épices. Puis, pour gagner en finesse, les européens et les turcs mettent au point le moulin à café au XVIIe siècle. Au départ, ce sont des objets rares et précieux. Jusqu’au XIXe siècle, la forme privilégiée était celle d’un sablier. En 1820, dans le Doubs, les frères Peugeot fondent leur entreprise de métallurgie et d’équipement de cuisine. Dès 1855, ils produisent de nombreux moulins à café, aussi appelés moulins de comptoir. Le modèle de Valérie, breveté sous le nom SGDG A2, est une production qui s’étend de la fin du XIXe jusqu’au début du XXe siècle. Il est en fonte, seul le tiroir à grains et la poignée sont en bois. Le réservoir est de forme arrondie et une double poulie crantée est actionnée par la roue. Le grain ainsi moulu tombe finement dans le tiroir, il ne reste alors plus qu’à le déguster. Sur la photo, le moulin semble en très bon état de conservation. Bien que très courants car fabriqués industriellement, ces moulins à café peuvent toutefois intéresser les mylokaphéphiles. C’est pourquoi votre objet pourrait trouver amateur aux enchères aux alentours de 80 euros. Une somme raisonnable pour se réchauffer et se maintenir éveillé tout l’hiver !
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