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De l’art dans la galette des Rois

Samedi 07 janvier 2023

par Philippe Rouillac

Cette semaine, Laurent, de Mont prés Chambord, soumet à notre expertise une petite collection d’une dizaine de fèves signées par Iemza. L’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur leur histoire et leur valeur.

Le dimanche suivant le premier janvier, à l’occasion de l’Épiphanie, de nombreuses galettes seront partagées. Qu’on la préfère briochée ou à la frangipane, déguster la galette des Rois revient à perpétuer une tradition millénaire, qui mêle paganisme et christianisme. On célébrait cette fête, connue alors sous le nom de Saturnales, dans l’Antiquité romaine, mais l’Épiphanie remonte probablement aux célébrations païennes plus anciennes autour du solstice d’hiver. Bien vite, la chrétienté récupère cette célébration pour l’associer à la visite des Rois Mages à l’enfant Jésus. L’Épiphanie reste d’ailleurs, jusqu’à l’introduction de la fête de Noël à la fin du IVe siècle, la grande célébration de la manifestation du Christ, confondant naissance du Messie et adoration par les Mages. Sujet religieux par excellence, le thème de l’Épiphanie va être repris par les grands maîtres de la peinture. Pour ne citer qu’eux, Giotto, Botticelli ou encore Mantegna en Italie, suivis par Rembrandt, Rubens ou encore Velasquez. Mais au-delà de sa grande importance religieuse pour les chrétiens, l’Épiphanie est devenue une grande fête populaire.

Si les chrétiens les plus rigoristes regrettent le caractère festif de l’évènement, bien vite, le succès de l’Épiphanie est indéniable. Au Moyen-Âge, en Europe, on tire les Rois. Une fève, légumineuse qui est choisie pour sa taille, est cachée dans la galette et celui qui tombe dessus est désigné Roi d’un jour. Si cette tradition a l’avantage de mettre sur un pied d’égalité puissants et classe laborieuse, il y a néanmoins un revers à la gloire. En effet, selon la tradition, le roi doit offrir à boire ! La Révolution française conserve la fête, mais se refuse à faire un Roi. La fameuse pâtisserie devient la galette de la Liberté, chacun est traité également et aucune couronne n’est décernée. Cette tradition se poursuit lors de l’Épiphanie de l’Elysée : en effet, quel scandale en république si le Président se faisait Roi ! Au cours du XIXe siècle, les fèves sont fabriquées en porcelaine. Les grandes manufactures de Sèvres ou Limoges produisent alors de nombreux petits objets à trouver dans la délicieuse galette. Bien que, tradition chrétienne oblige, les premières figurines soient à caractère religieux, par exemple des santons pour habiller la crèche, au cours du XXe siècle, une grande diversité de sujets va être produite. La fabophilie va faire son apparition. N’ayez crainte, il ne s’agit en aucun cas d’une maladie, mais bien du fait de collectionner les fèves de la galette des rois !

Dans la seconde moitié du XXe siècle, de nombreux artistes créent des fèves originales. Cela leur permet de se faire mieux connaître, mais aussi aux pâtissiers de se démarquer de la concurrence. Les fèves de Laurent sont signées par Iemza. Cet artiste complet, originaire de Reims, s’est fait remarquer pour la diversité de ses œuvres, mêlant street-art, dessin d’architecture et influence de grands artistes. Une récurrence chez Iemza est l’utilisation de noir et de blanc pour ses réalisations. En effet, il utilise énormément de noir, teinte qu’il affectionne particulièrement pour ses possibilités de contraste illimitées. Ces fèves d’Iemza, destinées aux galettes d’un pâtissier Rémois, représentent des visages féminins, des montgolfières mais aussi la lune. Certaines sont assez colorées, tranchant avec les habitudes de l’artiste. Elles ont la particularité de pouvoir être transformées en pendentifs, dépassant ainsi le rôle de simple fève. Si elles sont assez originales et devraient plaire à un admirateur d’Iemza, leur valeur est toutefois assez faible. Cette collection pourrait trouver amateur aux alentours de 30 euros. Suffisant pour s’offrir une délicieuse galette et, pourquoi pas être couronné roi, au moins jusqu’à demain !
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