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Un plat de fêtes pour célébrer Noël

Samedi 24 décembre 2022 à 07h

par Philippe Rouillac

Cette semaine, Patricia, de Chaumont-sur-Loire, soumet à notre expertise un plat anglais argenté. L’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de lever le mystère sur la matière de cet objet et de nous en dire plus sur son histoire et sa valeur.

Ce weekend, pour des millions de familles dans le monde, Noël est l’occasion de se retrouver autour d’un bon repas. Pour magnifier dindes, marrons ou encore saumon fumé, le plat de service est essentiel. Élément central des arts de la table, le plat, qu’il soit en porcelaine, argent ou tout autre matériau, sert autant d’ustensile pratique que de marqueur social. Dès la Renaissance, les arts de la table prennent une importance capitale dans les grandes familles de la noblesse européenne et ne cessent de se raffiner jusqu’au XIXe siècle. Celui-ci est en effet le siècle de la bourgeoisie, les coutumes autrefois réservées à l’élite nobiliaire se démocratisent. « La vanité est le plat des sots », nous prévenait pourtant Jonathan Swift. On assiste alors à une véritable frénésie des arts de la table, de grandes maisons et de plus modestes faiseurs proposant leur fabrication dans toute l’Europe. Pour différencier les origines des objets, les fabricants apposent sur leurs objets marques et poinçons. Le plat de Patricia est quatre fois poinçonné et présente le chiffre 1625 au revers. Malheureusement, cela ne veut pas dire qu’il a été réalisé en 1625 sous le règne du roi Jacques Ier d’Angleterre ! En effet, comme nous allons le voir, il est bien plus récent.

En lisant les poinçons de gauche à droite, il nous est possible de tracer l’historique de l’objet. Le premier poinçon est la marque du fabriquant, il s’agit de celui de la maison « Thomas Otley & Sons », établissement anglais fabricant de vaisselle en métal, fondé en 1842 et actif jusqu’aux années 1930. Le poinçon suivant, un « S » est un date mark de la ville de Sheffield, probablement du début des années 1910, il est difficile d’être plus précis en ne le voyant que sur photo. Le troisième poinçon nous indique la technique utilisée pour réaliser le plat. Les lettres « EP » désigne le terme electroplate, ou galvanoplastie en français. Ce procédé électrolytique consiste à plaquer du métal sur un objet en le plongeant dans un bain tout en y faisant passer un courant par une pile. Enfin, last but not least, le dernier poinçon « NS » nous donne l’indication tant attendue sur la nature du métal utilisé pour la réalisation de notre plat. Ces deux lettres sont les initiales de nickel silver, traduction britannique du maillechort. Cet alliage tire son nom des deux métallurgistes lyonnais Maillot et Chortier qui en ont déposé le brevet. Composé de cuivre, de zinc, de nickel voire de plomb, cet alliage aux reflets trompeurs, à l’aspect argenté, a beaucoup été utilisé dans les arts de la table, mais aussi pour fabriquer les fameuses calandres des Rolls Royce.

Tout ces éléments nous donnent une idée plus précise de la valeur du plat de Patricia. En plus d’être pratique, sa forme mouvementée, avec des anses ajourées et de fines ciselures décoratives représentant des fleurs lui confèrent une certaine élégance désuète. Cependant, le maillechort n’est pas aussi recherché que le métal argenté ou, bien entendu, que l’argent. Le plat anglais de Patricia, malgré ses qualités, devrait trouver amateur aux enchères aux alentours de 40 €. Suffisant pour s’offrir un traditionnel Christmas Pudding et filer à l’anglaise pour fêter Noël !
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