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RAMENER LA COUPE À LA MAISON !

Samedi 03 décembre 2022 à 07h

par Aymeric Rouillac

Cette semaine, Yves, de Romorantin-Lanthenay, nous propose une coupe en barbotine. L’occasion pour Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous éclairer sur l’histoire et la valeur de cet objet.

Si le footballeur belge Kevin de Bruyn ne brille pas sur les terrains de la Coupe du Monde, l’un de ses illustres homonymes a lui brillé dans un tout autre domaine. Issu d’une lignée de faïenciers belges originaires de Louvain, Gustave de Bruyn s’installe à Lille en 1864, plus précisément dans le quartier de Fives, dans l’est de la capitale des Flandres. Dès lors, son usine va créer de nombreux modèles de vases, pots à tabac ou jardinières en barbotine. Mais qu’est-ce donc que la barbotine, me direz-vous ? Ce procédé de faïencerie consiste à utiliser un moule, le plus souvent en plâtre, pour donner la forme voulue à un objet. L’avantage de cette technique est la possibilité de produire et reproduire rapidement et facilement des pièces aux contours précis et compliqués. La barbotine sera beaucoup utilisée par les ateliers de Bruyn, Gustave recevant d’ailleurs une médaille d’argent pour son travail à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris en 1889. Ses enfants et petits-enfants reprendront le flambeau pour maintenir la prospérité de l’enseigne après la mort de Gustave en 1916. L’usine, qui compta jusqu’à 400 employés, fermera finalement ses portes au début des années 1960.

Mais de Bruyn n’est que l’une des figures de la grande tradition de la faïencerie du nord de la France. La faïence lilloise trouve ses origines au XVIIe siècle, alors que la ville est sous domination hollandaise ; elle s’inspire alors naturellement des créations de Delft. Lors de sa reconquête par la France suite au traité d’Utrecht de 1713, la production se tourne également vers le savoir-faire des villes de Rouen et de Nevers, mêlant les influences françaises et hollandaises jusqu’à créer son propre style. Longtemps boudée par les collectionneurs car jugée très populaire, la faïence du nord de la France revient légèrement en grâce au cours du XXe siècle mais reste toutefois dans l’ombre des prestigieux lieux de faïenceries français.

On peut reconnaître aujourd’hui les faïences de Bruyn grâce à la marque caractéristique apposée en dessous : une ancre et les initiales D et B entrelacées. On les aperçoit sous votre cache-pot, Yves, accompagnées du chiffre 1446. Celui-ci fait référence au numéro du modèle que vous possédez. Si la tradition familiale datait votre pièce de l’époque napoléonienne, nous avons vu plus haut que ce n’est pas possible. En effet, si de Bruyn s’est installé en France sous le règne de Napoléon III, cette pièce n’a été produite qu’au XXe siècle, probablement aux alentours des années 1925, à l’avènement de la période art déco. Elle présente un décor floral en différents tons de blanc, beige et vert pale sur fond émaillé bleu. Les anses forment de superbes oiseaux colombidés dont les ailes déployées épousent délicatement les contours de la jardinière. L’ensemble repose sur quatre petits pieds.

Votre objet, Yves, est plutôt sympathique. Cependant, il n’est pas rare de croiser des barbotines de la maison de Bruyn en maison de ventes ou lors de la brocante du dimanche matin. Votre photo est un peu floue, mais il semble que votre jardinière soit légèrement accidentée. De plus, ce modèle est souvent accompagné d’une paire de vases au décor similaire pour former un ensemble plus complet. C’est pour cela que votre objet devrait trouver amateur aux enchères aux alentours de 30 euros. De quoi se régaler de fricadelles ou de moules-frites en hommage au savoir-faire franco-belge !
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