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Se mettre à niveau pour bien voyager

Samedi 05 novembre 2022 à 07h

Cette semaine, Éric soumet à l’expertise d’Aymeric Rouillac un niveau longue portée de la marque Henri Morin. L’occasion pour notre commissaire-priseur de nous en dire plus sur son histoire et sa valeur.



« Aucune carte du monde n’est digne d’un regard si le pays de l’utopie n’y figure pas ». Si cette citation d’Oscar Wilde laisse divaguer l’imagination, il a pourtant fallu, à travers l’histoire, que les hommes se montrent plus sérieux pour répertorier les territoires qu’ils explorent et habitent. Que ce soit à des fins de cartographie ou dans l’optique de délimiter précisément des arpents de propriétés, il a fallu développer des instruments de plus en plus précis. La topographie utilise des instruments tels que les niveaux pour projeter le territoire sous forme de plan, mais il est également possible de calculer l’altitude. On règle la lunette en visant un point de relief et, à l’aide d’une règle graduée, on mesure le dénivelé. L’opération se répète jusqu’à ce que les topographes puissent cartographier de manière précise un territoire. Les premiers relevés topographiques semblent dater de l’antiquité égyptienne. En Europe, l’Empire romain propose un cadastre finalement assez précis si l’on tient compte de la rusticité des instruments de mesure de l’époque. Les calculs servent donc à cartographier les provinces de l’Empire, mais également à définir les impositions des propriétaires terriens ; il faut d’ailleurs rendre hommage à l’efficacité de l’administration romaine dans ce domaine. Au Moyen-Age, les mesures romaines, jugées assez précises, sont conservées. Ce n’est qu’au cours des XVIIe et XVIIIe siècles que les instruments de mesure se font plus précis et les projections plus ambitieuses, comme par exemple celle, très célèbre, du flamand Mercator. Au XVIIe siècle, la lunette est adaptée à la profession, permettant une plus grande efficacité. Les outils se font de plus en plus performants au cours des siècles suivants et le XXe siècle adapte sa révolution électronique aux instruments d’arpentage et de topographie, permettant une projection informatique d’une très grande précision.

Henri Morin fonde ses ateliers à Paris en 1880. On y fabrique de nombreux instruments destinés à la topographie, à toutes sortes de relevés utiles à l’ingénierie publique et privée, mais aussi destinés à l’armée, notamment à l’artillerie. Les années 1890 sont synonymes de succès pour les ateliers Henri Morin, qui deviennent le principal fournisseur français de ces matériels spécifiques, grâce à une production de qualité. Plusieurs prix et distinctions viennent récompenser le travail de Morin, avec, en point d’orgue, une nomination au comité de l’Exposition Universelle de 1900. La société connait des fortunes diverses au cours du XXe siècle et son activité cesse dans les années 1960.

Le niveau d’Éric est en métal et semble complet. Il est gravé H. MORIN, rue Dulong à Paris. A l’intérieur du coffret de bois dans lequel l’instrument est présenté, les instructions pour son utilisation optimale sont affichées. D’après le catalogue des différents modèles proposés par la société, celui-ci semble se rapprocher des productions des années 1930, bien qu’il soit difficile de se prononcer avec certitude. Si les optiques ne sont pas rayées et les vis de réglage sont encore valables, cet objet présente un intérêt plus historique que scientifique. De nos jours, comme nous l’avons vu précédemment, des outils bien plus performants sont élaborés. Cependant, il existe des amateurs pour ce genre d’objets et il pourrait trouver preneur aux enchères aux alentours de 50 € . Une somme finalement bien raisonnable pour marcher dans les pas des grands explorateurs du passé et pourquoi pas topographier son petit arpent de terre !
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