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Une chaise Louis XV mais fabriquée au XIXème siècle

Samedi 03 septembre 2022 à 07h

par Philippe Rouillac

Cette semaine, Brigitte de Rahart nous propose une chaise de style Louis XV. L’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur l’histoire comme la valeur de ce siège.

Le style Louis XV marque une réelle rupture avec le mobilier imposant produit sous le règne de Louis XIV. Déjà annoncé sous la Régence, le style Louis XV prend son essor dès les années 1720, en proposant des meubles plus petits et plus légers, tant dans leur forme qu’en ce qui concerne leur décoration. Alors que sous Louis XIV, l’Antique prévalait, le style Louis XV, lui, puise son inspiration dans la nature. Le mobilier se garnit alors de motifs végétaux, de fleurs, de coquilles… L’asymétrie, ainsi que les essences d’arbres fruitiers font également leur apparition. Ces ornements lui vaudront d’être également surnommé le style rocaille. De grands noms, tels que Claude Sené ou Nicolas Heurtaut sont les figures de proue du style Louis XV. Cette légèreté, nouvelle dans le mobilier et la décoration est à mettre en parallèle avec la société civile qui elle aussi devient moins rigide au cours du XVIIIe siècle. En effet, le règne de Louis XV, dit « le Bien-Aimé », est marqué par l’avènement des Lumières, mais aussi par un certain libertinage ! Les élites se libéralisent, entrainant dans leur sillon ébénistes et décorateurs.

Le style Louis XV trouve son apogée aux alentours de 1745, avant de progressivement céder la place à partir du milieu des années 1770 au style Louis XVI. Il est possible de voir des meubles de style Louis XV dans de nombreux châteaux, musées et autres hôtels particuliers partout en France. Dans le Loir-et-Cher, le superbe château de Talcy en dévoile de magnifiques exemples dans ses salons lambrissés chargés d’histoire. Un charmant détour, pour une visite ô combien instructive !
Au XIXe siècle, le style Louis XV, ou rocaille, se voit affubler du surnom de « Rococo », contraction possible des termes « rocaille » et de « barocco », portugais pour baroque. Ce terme est tout d’abord utilisé de manière péjorative par les élèves de Jacques-Louis David et les adeptes du Néo-classicisme, qui prônent un retour au sérieux et à la symétrie après le XVIIIe siècle. Mais le style rococo retrouvera des amateurs lors de la seconde moitié du XIXe siècle, notamment sous le règne de Napoléon III. Jusqu’à la fin du siècle, et de la première guerre mondiale de nombreux meubles de style Louis XV seront produits. C’est probablement le cas du meuble d’aujourd’hui.

La chaise de Brigitte semble de bonne facture. Elle est probablement en noyer, bois couramment utilisé au XIXe siècle pour le mobilier. Le dossier, richement décoré de feuilles d’acanthes, de volutes ou encore de frises, présente deux gerbes végétales à son sommet et au centre de la traverse. Les pieds sont galbés, finement gravés de motifs végétaux et floraux, se terminant par des volutes. L’assise est sculptée sur la ceinture de motifs semblables à ceux des pieds, et est recouverte d’une tapisserie florale aux couleurs assez sobres. A première vue, la chaise de Brigitte semble en excellent état, tant le châssis que la tapisserie, bien qu’il soit difficile de se prononcer avec une photo comme seule approche. Un léger accident semble visible sur le dossier en haut à gauche. Néanmoins cette chaise seule devait faire partie d’un salon comprenant canapé, fauteuils, bergères et d’autres chaises ! C’est pourquoi notre siège pourrait trouver preneur entre 20 et 30 euros. Une belle occasion de s’y asseoir et de suivre le conseil de Huysmans, à propos de la lecture : « A quoi bon bouger, quand on peut voyager si magnifiquement dans une chaise ? ».
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