Au cœur des régions, une armoire peu commune

Cette semaine, Jean-Pierre de Vineuil, soumet à expertise une armoire aux dimensions titanesques, pas moins de 2,63 mètres de haut !

Des armoires, tout le monde en a chez soi. Armoires Bretonnes, Normandes, Alsaciennes, ou même Ligériennes, comment les reconnaître ?

Celle de notre lecteur semble venir de Bretagne. Bien que la plupart des meubles de cette région soient en chêne il arrive néanmoins qu’ils soient en châtaignier dans le Morbihan et la Cornouaille ou en bois fruitier dans les régions proches de Rennes ou Vannes. L’armoire de notre lecteur en merisier, un bois clair, chaud, facile à travailler, serait donc peut-être de production rennaise. La corniche, dite en chapeau-de-gendarme est finement moulurée de filets. Le linteau est orné d’élégants branchages retombant avec délicatesse et souplesse sur le montant des portes. Ces dernière, au nombre de deux, sont décorées de trois panneaux quadrilobés dans lesquels sont inscrit un second panneau aux formes mouvementées. Le centre de ce second panneau figure une fleur inscrite dans un cercle. Les espaces entre chaque lobe sont remplis de raffinés décors végétaux tel des rinceaux, fleurs et entrelacs. Le soubassement répond dans son ornement à celui du linteau et est rehaussé de fleurs. Le piétement galbé semble se terminer en patte de lion. Néanmoins, son imposante taille et l’absence de tiroir dans son soubassement surprennent pour une production bretonne. Ordinairement, les meubles sont de petites dimensions avec un soubassement en caisse permettant de s’adapter à la disposition de la ferme bretonne et du « trustel ». Il semble donc que cette armoire soit une production du XIXème, époque où le régionalisme et l’éclectisme sont à la mode.

Une armoire bien massive

Bien que l’armoire de notre lecteur soit massive comme celles de Normandie, elle ne saurait appartenir à cette région. D’une part, l’armoire normande est principalement réalisée en chêne, d’autre part, elle présente une sobre ornementation en caisson qui peut néanmoins être enrichie, selon les ressources du mariage, de coquilles ou de rinceaux.
Cette armoire ne saurait être alsacienne car les meubles de cette région sont essentiellement en bois résineux peints ou en noyer. De plus, le mobilier alsacien emploie un répertoire germanique en raison de l’histoire de la région. Le meuble de notre lecteur est lui dépourvu de ces caractéristiques.
Enfin, elle ne peut (malheureusement) pas être du Val-de-Loire, car la majorité de la production de cette région est à corniche droite. Elle ouvre ordinairement par deux portes et possède un ou deux tiroirs dans le soubassement. Ces portes sont généralement ornées de motifs moulurés de caissons, de rosaces fleuries ou d’éventail. Le piétement, ordinairement en toupie ou en sphère aplatie, peut cependant être droit ou cambré.
Une si belle armoire pourrait laisser penser qu’elle mène droit au monde de Narnia… Malheureusement, il s’agit d’une armoire ordinaire sans être commune ayant cependant un remarquable ornement et un extraordinaire volume. Pour une somme avoisinant les 500 € - ou d’avantage si elle est signée - voilà comment gagner de nombreuses parties de cache-cache.

Trésor en hommage au chantre des territoires, le talentueux Jean-Pierre Pernaut

• Téléchargez l'article de La Nouvelle République du Samedi 5 mars 2022