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Une pendule qui « régule »… et qui fait illusion

Samedi 15 janvier 2022 à 07h

Cette semaine, une Josette nous fait parvenir la photographie d’un pendule. Me Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, donne son avis.



Une pendule sous une cloche de verre… En cette rentrée 2022, Omicron aurait-il covidé cet objet ? Bien que le mécanisme toussote très probablement vu son âge… N’ayez crainte chère lectrice, votre pendule à une santé « de fer » ou plutôt de régule !

Probablement d’une trentaine de centimètres de haut, votre pendule est protégée par une cloche de verre, geste barrière oblige ? Bien sûr que non… c’est évidemment pour la protéger de la poussière et d’éventuels chocs. Cette honorable tocante dorée est composée d’un décor d’entrelacs, de rinceaux feuillagés, pampres de vignes, de bouquets, de filets de perles, en bref tout le répertoire rocaille. La rocaille c’est ce style qui s’épanouit sous le règne de Louis XV (1715-1774) et prône légèreté, frivolité, mouvement ! En horlogerie, l’exemple le plus fameux est la pendule astronomique de Passemant, dite « pendule de Louis XV ». En effet, l’horloger Passement réalise en 1749 une pièce unique, le mécanisme d’une incroyable complexité permet d’indiquer l’heure, le jour, le quantième, le mois, l’année, les phases de la lune, les signes du zodiaque ainsi que les mouvements des planètes autour du soleil, tout ceci dans la plus grande précision !

Ce chef d’œuvre a nécessité plus de 20 ans de travail et est programmé, pour fonctionner jusqu’en 9 999 ! Conservée à Versailles, le roi Louis XV, comme vous j’imagine chère lectrice, installait le 31 décembre de chaque année, un fauteuil face à sa pendule et attendaient les 12 coups de la Saint-Sylvestre… Chic n’est-ce pas Josette ? Oui, mais chic et choc — car le décor de votre pendule imite en quelque sorte ces bronzes rocailles qui ont tant fait la fierté des artisans du XVIIIe siècle. Votre pendule, au moins 20 fois plus petite, est très probablement composée d’un socle en albâtre et d’un décor en régule doré. Et s’il brille comme du bronze, il ne bat pas la même mesure. Le régule est en effet un alliage courant de plomb, d’antimoine et parfois d’étain, dit encore « le bronze du pauvre » …il ne séduit pas les amateurs de belle horlogerie. De même la dorure, ce qui l’en reste n’est certainement pas à l’or fin…de l’illusion, de l’illusion. Pendule qui fait son effet certes, mais qui reste comme le Canada Dry !

En ce qui concerne le cœur de votre pendule, il se niche derrière le cadran, qui est ici émaillé et percé de deux trous. L’un sert, à l’aide d’une clé, à remonter le mécanisme et l’autre à régler les heures. Le mouvement est généralement ce que regardent en premier les averties. Jusqu'à la Restauration environ, le balancier est suspendu à un fil de soie présentant une boucle. Chère Josette, il y a fort à parier que sur votre pendule, le fil de soie ait été remplacé par une lamelle d'acier dite « suspension à ressort » ! Moins recherché, l’intérêt de ces pendules n’est pas l’aspect technique des complications horlogères comme avec Passemant, mais plutôt décoratif. Installée très probablement sur le marbre d’une commode ou d’une cheminée, toute la famille peut en profiter. D’ailleurs attention, le régule et le bronze rayent le marbre, donc prudence quand vous la déplacée !

Et bien que charmant, charmeur, le jeune berger en régule ne suffit pas, hélas, à rajouter de la superbe à cet objet qui date très probablement des années 1900-1914. Pour cette pendule doré, protégée par une cloche de verre, nous pourrions articuler un prix autour de tic-tac-tic-tac…100 euros au mieux. Et si le balancier s’est arrêté, n’ayez crainte chère Josette, vous le savez bien, le temps n’a pas d’emprise sur vous…L’incontournable et précieux Claude Mazanec de Blois, horloger de père en fils depuis Louis XVI - sic- saura y remédier : un plaisir de le voir réparer tocantes et mécanismes délicats !
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