Laque et laque vietnamiens
Samedi 22 mars 2014
Un lecteur de Suèvres soumet un objet en laque à Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, qui en livre l’expertise.
Le plus bel objet de laque sur terre a séjourné en Loir-et- Cher, puisqu’il s’agit du célèbre coffre de Mazarin, acheté aux enchères l’an dernier au château de Cheverny par le Rijksmuseum d’Amsterdam.
L’objet de notre lecteur est lui aussi en laque, mais de plus petite dimension et ambition. La laque est la sève d’un arbre, rhus vernifuca, que l’on applique en couches successives sur un support de bois ou de métal. Un grand temps de séchage est respecté entre l’application de chaque couche. Une fois sèche, chaque couche est progressivement polie puis décorée. L’angoisse du laqueur est de trop polir les couches supérieures. Il ruinerait ainsi le décor des couches inférieures, que l’on voit en transparence, ou qui est laissé au grand jour.
La laque est une technique millénaire asiatique. Les Européens ne mettent au point des imitations de laque, en vernis, qu’au XVIIIe siècle. Vous pouvez d’ailleurs visiter actuellement une très bonne exposition sur le sujet au musée des Arts décoratifs à Paris. Si la laque est recherchée pour ses qualités esthétiques, ses qualités physiques sont aussi appréciées. Elle est en effet extrêmement résistante,t ant à l’eau qu’à la corrosion des acides. “ La laque concerne la technique et le laque l’objet ” Les Japonais s’en servaient par exemple pour protéger l’intérieur des tuyaux d’usines chimiques, comme pour la vaisselle de leurs sushis et autres ashimis ! Des chercheurs d’épaves sous-marines ont remonté des boîtes chinoises en laque, trois siècles après le naufrage des bateaux qui les transportaient: elles étaient comme neuves ! Une fois decouvert et décoré de laque, un objet laqué prend également le nom de laque, mais cette fois-ci au masculin.
La laque concerne donc la technique, alors que le laque est le nom de l’objet fini. Quel est donc le laque de notre lecteur ? Il s’agit d’un panneau à fond or, avec une fleur, un coquelicot, en son centre. Le fond doré est le signe du goût asiatique. Notre lecteur précise d’ailleurs que ce panneau a été acheté à Montmartre, il y a 45 ans, lors d’une exposition sur les laques vietnamiennes. Ce panneau est signé Vuvan, mais cet artiste n’est pas coté aux enchères. Malgré toutes ses qualités, ce panneau de laque n’est estimé qu’une cinquantaine d’euros aux enchères. Bien loin du record du coffre de Mazarin ? Mais il avait fallu attendre près de 400 ans pour affoler les compteurs