Le général aux enchères

Paris-Match, Gishlain de Violet

Charles de Gaulle, star des salles de vente? L’idée que son souvenir puisse être monnayé aurait à coup sûr fait bondir le Général, lui qui n’avait que mépris pour «l’argent bourgeois». Pourtant, c’est ainsi. « De Gaulle rivalise avec Napoléon» dans le cœur des collectionneurs, observe Aymeric Rouillac, commissaire-priseur dont l’étude a piloté une vente aux enchères d’objets gaulliens en 2010. La moindre pièce signée de la main du fondateur de la Ve République s’arrache. Et pour cause, ces reliques sont extrêmement rares. Au nom de la préservation des archives publiques, l’Etat a fait main basse sur la majorité des écrits officiels du président. Ainsi le musée des Lettres et Manuscrits (une institution privée aujourd’hui fermée) a-t-il dû se délester de quelque 300 brouillons rédigés par le Général entre 1940 et 1942, à la grande satisfaction des Archives nationales. Quant aux objets et documents privés, la plupart ont été conservés par la famille, qui en a fait don à la Fondation Charles-de-Gaulle.

Pour les admirateurs du grand homme, restent des fac-similés ou les objets d’époque ayant simplement trait à lui. Comme cet exemplaire d’une affiche originale de «l’appel aux armes» de 1940 (refusée alors par le Général en raison d’une faute d’accent), adjugée 5500 euros sous le marteau d’Aymeric Rouillac en 2010. Ou cette photographie dédicacée du Général avec ciré marin et jumelles, à bord d’un navire des FNFL en 1943. Un heureux chasseur de trésors se l’est offerte pour 4 000 euros lors de la même vente.

Une somme importante mais très en deçà du record d’Alain Delon en novembre 1970. A l’époque, alors qu’une incertitude pesait encore sur l’encadrement juridique à donner aux écrits du chef de la France libre, la star avait déboursé 300 000 francs (équivalent à plus de 330 000 euros d’aujourd’hui) pour acquérir le manuscrit de l’affiche «A tous les Français», rédigée par de Gaulle et imprimée en août 1940 en Angleterre (ci-contre). Grâce à l’acteur, le précieux document, mis en vente clandestinement à l’étranger, a pu rester dans le patrimoine français. Il est aujourd’hui conservé au musée de l’Ordre de la Libération, à Paris.

Gishlain de Violet