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Douze toiles provenant possiblement du château de Chanteloup

Samedi 23 mai 2020

d'après Jean Pillement

École FRANÇAISE du XVIIIe siècle
d’après Jean PILLEMENT (1728-1808).

Chinoiseries.

Ensemble de douze toiles.

Haut. 219 ou 220, Larg. de 34 à 94 cm.
(restaurations anciennes).

Provenance :
- proviendrait du château de Chanteloup à Amboise ;
- dans la famille Pic-Pâris depuis 1823, à la Closerie le Pavillon, puis au château de la Roche à Pocé-sur-Cisse, en Touraine ;
- par descendance, Touraine.

Twelve canvases from the 18th century representing "chinoiseries" after Pillement. The paintings are said to come from the castle of Chanteloup.

Un décor chinois


Le faste des ambassades du Siam reçues par Louis XIV en 1686 éveille en France un intérêt pour l’Asie qui marque les arts pendant tout le XVIIIe siècle. Il est soutenu par le développement d’échanges intellectuels avec l’envoi de jésuites en Chine et celui d’échanges commerciaux avec l’ouverture d’une voie maritime empruntée par des navires transportant laques, porcelaines, éventails ou papiers peints… Les marchands-merciers qui les achètent remontent ces objets dans des bronzes ou des pièces d’orfèvrerie, les incorporent dans des meubles somptueux et les peintres sont sollicités pour créer le décor qui accueillera ces riches collections.

Jacques Vigouroux-Duplessis (avant 1680-1732) fut l’un des premiers à animer les boiseries de scènes exotiques et François Boucher (1703-1770), lui-même collectionneur d’objets chinois, contribua largement à la diffusion du goût pour les chinoiseries. Les "Scènes de la vie chinoise" sont gravées d’après ses dessins par Gabriel Huquier vers 1742 et il crée des motifs pour la manufacture de porcelaine de Sèvres ou pour celles de tapisserie de Beauvais. Sa "Tenture chinoise" connut un grand succès et fut tissée dix fois entre 1743 et 1775, dont plusieurs fois pour le roi. C’est ainsi que les décors de chinoiseries adoptent souvent des teintes pastel qui sont celles des écheveaux de soie. On les trouve, par exemple, chez le peintre lyonnais Jean Pillement (1728-1808).

Un élément du même décor est conservé dans une collection particulière tourangelle.

Provenant possiblement du château de Chanteloup


Propriété du duc de Choiseul dans les années 1760-1770, le château de Chanteloup à Amboise est le refuge du ministre de Louis XV après sa disgrâce. Avec sa riche épouse, Éléonore-Louise Crozat du Châtel, Choiseul illustre le goût de son siècle pour la Chine, ainsi qu’en témoigne la Pagode érigée par Louis-Denis Le Camus en 1775 dans le parc. La décoration intérieure est aussi arrangée dans le goût chinois. La commode en laque de Chine par Jean Demoulin l’illustre parfaitement (n°794-2-1). Elle est saisie en 1794 par Charles-Antoine Rougeot pour constituer les premières collections du musée de Tours. L’inventaire des meubles appartenant à Louise Marie Adélaïde de Bourbon-Penthièvre, dressé à partir du 29 pluviôse an II, fait également état d’un certain nombre d’œuvres d’inspiration extrême-orientale à Chanteloup. Établi par Joseph-Louis Guyot, notaire public demeurant à Noizay, il mentionne par dix fois au moins des tentures de « papier chinois » ou « de la Chine » présentés sur toile. Ces descriptions ne sont pas sans évoquer celles de notre suite de douze toiles aux décors de chinoiserie. En outre l’inventaire mentionne deux tentures composées de personnages, dont l’une est présentée en « cinq pièces » avec ses cadres de bois doré et estimée 10 livres (n°1883). Si l’estimation est faible, d’autres suites sont référencées à des prix plus importants. La tenture en six pièces exposée dans la salle à manger est estimée 100 livres. D’autres salles du château sont parées d’éléments plus nombreux, comme le salon du pavillon de l’étang de Jumeau. Il est orné de « quatorze morceaux et deux dessus de porte de papier de la Chine encadré de baguettes ».

Chanteloup est racheté en 1802 par le scientifique Chaptal, afin d’installer une exploitation agricole de betteraves. Pour solder les dettes accumulées, il donne mandat au banquier Baudrand de vendre tous les biens du domaine à la « Bande noire », qui anéantit en quatre-vingt jours ce que cinq siècles avaient bâti. Seule la Pagode chinoise est sauvée, ultime relique de ce château disparu. D’après la tradition familiale, nos douze toiles sont achetées par Edme-Silvain Pic-Paris en l’étude de maître Guiot, à l’ultime vente des biens mobiliers de Chanteloup en 1823. Les panneaux sont aussitôt placés dans la salle à manger de la demeure familiale, la « Closerie le Pavillon » à Pocé-sur-Cisse. En 1854, ils gagnent le petit salon du château de la Roche, nouvellement construit à proximité par l’architecte amboisien Silvain Philippe Châtaignier. Maître d’œuvre des châteaux de Launay, puis de Bellecour à Pocé-sur-Cisse, Châtaignier utilise des éléments provenant de Chanteloup pour la construction de nombreux monuments locaux, comme nous l’a aimablement précisé Véronique Moreau, conservateur honoraire au musée des Beaux-Arts de Tours. Et pour cause, l’architecte a participé activement au démantèlement du château. Ces toiles n’ont jamais quitté la demeure familiale jusqu’à aujourd’hui, à l’exception en 1903 de leur restauration par la maison Chapuis à Paris. Elles illustrent en tout état de cause le goût raffiné de cette grande famille amboisienne, lignée de plusieurs générations de maître de poste dès le XVIIIe siècle et dont Eugène Pic-Pâris se distingue en devenant maire de Tours et sénateur d’Indre-et-Loire au début du XXe siècle.
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