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Pierre Comte, le plasticien du cosmos, rejoint les étoiles

Samedi 27 juin 2020

par Aymeric Rouillac

Pierre Comte et une de ses machine satellite à Tours en 2013.

Pionnier français du space art comme du voyage moderne, égyptologue averti et auteur du « mur des vents », seule oeuvre d’art cinétique visible dans l’espace public parisien, le plasticien Pierre Comte est décédé dans la nuit de mercredi à jeudi, à l’âge de 93 ans.

La rencontre de Pierre et de son épouse Michelle, vers laquelle volent mes pensées les plus affectueuses, est de celles qui marquent une vie, tant la curiosité et l’envie de rêver de ce couple hors du commun n’avait pas de limite. Jeune graphiste, Pierre lance le mouvement « Action graphique », brisant le premier de nombreux codes, à commencer par projeter des séquences filmées pendant des spectacles, notamment à l'opéra de Paris. Organisateur de tournées populaires pour la station Europe 1 à travers la France, il investit magistralement les Champs-Élysées dans les années 1970 avec des structures gonflables suspendues.
Il a alors l’idée de créer une étoile artificielle en gonflant dans le vide spatial une de ces structures gigantesques, pour y refléter le soleil. Si la réalisation d’ARTSAT n’est pas au rendez-vous du début des années 1980, son idée est reprise trente ans plus tard par la NASA, réfléchissant aux nouvelles manières d’habiter le cosmos. L’idée du space art prend alors forme aux cotés de pionniers français, allemand et américain. À défaut d’une œuvre d’art dans l’espace visible depuis la Terre, Pierre met en œuvre l’inverse : une œuvre d’art sur Terre uniquement visible depuis l’espace. C’est l’aventure « signature terre » qui se concrétise en 1989. Avec seize carrés noirs de soixante mètres de côté figurant le symbole médiéval de notre planète photographié par un satellite, le plasticien français est le premier à "signer" la Terre ! Le « zéro G. art » est l’ultime étape de sa réflexion, avec des œuvres d’art cinétique conçues pour s’affranchir des règles de la gravité. Il parvient, au terme d’une aventure digne de James Bond, à introduire dans la station spatiale internationale en 2001. Il faut voir les images des astronautes jouant avec son module Prisma à bord de l’Airbus Zéro G pour comprendre l’enjeu magique d’humaniser l’espace par l’art. En 2013 nous avions eu la joie de lui ouvrir nos bureaux tourangeaux pour montrer ses machines satellite, charmant par leur poésie et le beau regard bleu de leur auteur de nombreuses journalistes qui m’en parlent encore…

Bien qu’il ne s’épanche guerre sur ses autres centres d’intérêt dans « Un autre chemin vers l’espace », paru en 2015, Pierre était aussi, avec sa chère épouse Michelle, l’un des pionniers du voyage moderne. Découvrant de nombreuses destinations à travers le continent asiatique dans les années 1960 à 1980, le couple passe son temps à repérer ce que deviendront les chemins du tourisme de masse, dans lequel ils ne reconnaissaient ni l’esprit de leurs voyages ni le leur de voyageur. Que d’émotions à évoquer ce Rajasthan qu’il chérissait, ou la décharge d’énergie transmise en recevant un Kriss sur une plage d’Indonésie pour aider un vieil homme. C’est paradoxalement sur les terres des pharaons, avec leurs amis archéologues, que ce couple tourné vers la modernité la plus futuriste prolongeait ses questions fondamentales sur l’avenir de l’Humanité. Dressant des parallèles saisissant entre millénaires et civilisations, Pierre et Michelle Comte n’ont eu de cesse de réfléchir sur les signaux sous-jacents, notamment climatiques, de l'époque contemporaine qu’ils interprétaient avec lucidité. L’aveuglement des hommes leur faisait craindre un bis repetita cataclysmique, dont ils tempéraient la menace par les infinies possibilités qu’offrent la recherche astronautique, expliquant par exemple avec pédagogie comment refroidir Venus pour y envoyer les générations à venir.

Pierre s’en est donc allé, avec élégance, rejoindre ces étoiles qu’il chérissait tant. Du Berry à l’aéro-club de France, en passant par la Vallée du Nil et ces autres régions préservées de notre planète qu’il avait aimé et étudié, je suis sûr que, lorsque nos regards se tourneront ce soir vers le ciel, cette étoile artificielle dont il avait rêvé brillera de mille feux pour lui rendre un ultime hommage et adresser à son épouse Michelle un message d’amour et d’affection pour l’Éternité.

Aymeric Rouillac
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