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L’Antiquité face à l’éternité

Vendredi 24 avril 2020
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extrait de Adjugé ! La Saga des Rouillac"
par Aymeric Rouillac


"Si la Grèce est mère de notre culture, l’Égypte est celle de notre civilisation; toutes deux nous ont appris à contempler l’infini et à rêver d’éternité. Giacometti copiant les merveilles du monde antique l’avait parfaitement saisi (cat. 8). Dans l’Égypte ancienne, la couleur blanche est celle du deuil, qui habille le défunt de la lumière éternelle. Le plus bel art antique est ainsi directement lié à la mort : 3 000 ans avant notre ère les Égyptiens développent la technique de la momification. Il s’agit ni plus ni moins de préserver le corps enroulé dans 150 mètres de bandelettes et de l’envoyer, avec ses organes enfouis dans quatre vases canopes, sur la rive ouest du Nil. Le voyage débute dans la nécropole de Thèbes, à la suite d’Osiris, le premier ressuscité de l’histoire de l’Humanité. La découverte de la tombe de Toutankhamon en 1922 par Carter met à l’honneur les sarcophages, vaisselles et autres serviteurs funéraires chargés par les vivants d’accompagner le mort au pays des ténèbres (cat. 3).

La Grèce antique conjugue l’art de l’enterrement à celui de l’incinération, dans de spectaculaires bûchers. Les cendres sont ensuite déposées dans des urnes en céramique, dont l’Attique maîtrise à merveille la cuisson et les décors. Les vases peuplés de héros à figures rouges sur fond noir, puis noires sur fond rouge, accompagnent morts et vivants (cat. 5 et 6). Rome se partagera les deux manières d’accompagner ses morts, enterrement et incinération, dressant de véritables monuments funéraires de marbre au cœur de la vie de ses citoyens.

Après les conventions de La Haye en 1954 contre le pillage, puis de l’UNESCO en 1970 contre le transfert illicite d’œuvres d’art, la pression internationale se resserre autour des pilleurs de tombes, œuvrant déjà depuis l’époque des pharaons. Désormais, la provenance ancienne des œuvres d’art dans des collections référencées est devenue le viatique indispensable à leur vente. Si les « terroristes français » ont vendu à tour de bras aux enchères les souvenirs de la cour de France à leurs ennemis anglais, il est devenu impossible à leurs successeurs djihadistes d’alimenter par l’art les caisses noires de l’islamisme guerrier.

N’étant jamais véritablement propriétaires de ces objets qui nous précèdent dans la vie et qui nous succèdent dans la tombe, le Graal du collectionneur est de devenir un passeur d’objets en prenant la suite d’un grand collectionneur. C’est ainsi que le cardinal de Richelieu fait acheter en 1633 à Rome cent vingt-deux sculptures antiques pour orner son château en Touraine. Grâce aux dessins réalisés par Canini, il nous a été possible d’identifier avec certitude une tête de Marc Aurèle comme provenant de ce château (cat. 9), alors que son torse est conservé au musée de Poitiers.

Plus récent, un devant de sarcophage de la collection blésoise de Jacques et Janine Nabon, vendu en 2015, avait été publié en 1918 dans la collection nantaise du vicomte du Dresnay, aujourd’hui par- tagée entre les musées du Getty, du Metropolitan ou de Boston (cat. 13). Provenant de collections italiennes encore plus anciennes, ce relief montrait trois Parques assises autour d’une sphère parfaite, illustrant leur emprise sur la vie du défunt. Les collectionneurs ont été nombreux à vouloir lier leur destin à cette œuvre..."

Extrait de "Adjugé ! La Saga des Rouillac"
240 pages, 450 photos, 39 € aux éditions Monelle Hayot

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