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In memoriam... Gérard Capazza

Jeudi 16 avril 2020
Philippe Rouillac et Gérard Capazza, complices au château d'Artigny
Sophie et Gérard Capazza, Béatrice de Andia, Aymeric Rouillac et Rodrigo de Salinas réunis pour la 29e vente Garden party en 2017 au château d'Artigny.

Notre partage du jour n'évoque pas pour une fois la découverte d'un objet, mais la perte d'un ami cher, Gérard Capazza

L'annonce soudaine du décès du galeriste Gérard Capazza la semaine dernière nous plonge dans la tristesse. Que de souvenirs partagés… jusqu’à cette dernière Biennale à Paris où radieux, il triomphait, auréolé sous la coupole de Bonte, entouré des œuvres de Goudji, avec un aréopage parisien de ministres et d'amateurs VIP, comme autant d’abeilles butinant leur miel. Bien que nous ne nous connaissions personnellement que depuis une dizaine d'années, j’ai le sentiment d'avoir cheminé à ses côtés depuis bien plus longtemps et perds aujourd’hui un frère de marche.

L’exemple qu’il nous a donné avec sa chère épouse Sophie est des plus inspirants ! Depuis ce pari complètement fou d'un bail emphytéotique pour s'installer dans les ruines d’un château Renaissance, jusqu'à celui encore plus fou de créer ex nihilo une galerie d'art au milieu de nulle part, à Nançay dans le Cher. Ce pari est remporté au-delà du raisonnable, comme en témoigne son éclatante réussite et le ballet des hélicoptères qui rejoignent le fin fond de la Sologne, bardés de Japonais curieux de découvrir les découvertes et coups de coeur des Capazza. Nous pleurons ensemble comme Sophie, et, regardant les albums des souvenirs, je me dis qu’ils ont bien œuvré sur cette Terre. Sophie était son alter égo, rayonnante de lumière. Nous nous retrouvions en Touraine à l’occasion de ces expositions à l’Hôtel Goüin ou celle programmée cet été à L’Islette … deux lieux où nous avons nous aussi exposé et forgé de beaux souvenirs pour demain.

Travaillant avec sa fille Laura et son gendre Denis, comment ne pas dresser un parallèle pour moi qui travaille aussi avec mes parents ? Je sais combien nous avançons plus vite lorsque la marche de départ est plus haute et que nos aînés nous ont précédé avec talent. Je sais combien nous sommes plus forts en travaillant en famille, même si la route et le chemin sont pavés de roses qui ont aussi des épines. Mais comme il est bon d’écrire son prénom à la suite du nom de parents qui font notre fierté. Vous voilà maintenant en première ligne, Laura et Denis, secondés bien sûr par Sophie. Je n’ai aucun doute à savoir que vous relèverez le gant de cette histoire à nulle autre pareille, qui est aussi la leur depuis si longtemps et que je vous vois façonner Denis et Laura, lentement mais surement.

La relation intime que Gérard entretenait avec ses amis artistes et collectionneurs est des plus exemplaires. Faisant feu de tout bois, profitant de chaque vernissage, salon, dîner, rencontre formelle ou informelle il aimait à mettre en relation, échanger des idées et jeter de nouveaux ponts pour le rêve. Avec générosité la famille Capazza offre des installations et des fêtes mémorables, mêlant les disciplines et les genres, permettant d'approfondir chaque fois un peu plus cette fêlure qui nous sépare de l’Infini, cette fêlure par laquelle passe la lumière et que nous aimons remplir par l’art.

Ses costumes en soie noir brillante et ses chemises immaculées avaient remplacé les sabots de bois et cols roulés du début, mais son regard perçant, sa haute stature et ses cheveux plaqués à l’arrière, continuaient de marquer le marché de l’art par une approche non conventionnelle. Sophie et Gérard ont cultivé une qualité qui semble pourtant bannie du monde d’aujourd’hui et qui fait leur réussite : la fidélité. Fidélité à leurs artistes, comme Goudji que nous aimons tant, mais aussi Le Perlier, Champy, Coville, Jeanclos, Lerat, Dejonghe, Franta et bien d’autres. Fidélité à leurs collectionneurs, qui ne manqueraient pour rien un vernissage à Nançay. Fidélité à leurs amis et à leur famille, qui sont au cœur de vies inextricablement imbriquées. Gérard reste dans mon cœur, dans notre cœur, comme un homme hors du commun.

Bien que nous nous voyions peu, nous pensons à eux chaque jour en passant le seuil de notre maison, où nous sommes accueillis par une femme cuillère d’Étiyé. Nous l’avions choisi avec mon épouse Cécile lors de notre première visite à la Galerie Capazza. Lorsque nous avons échangé longuement au début du confinement, je ne m’étais pas enquis de la santé des uns et d’autres. Nous pensant naïvement tous immortels. Epoustouflé par les derniers cartons de l'exposition Rodin/Jeanclos que je venais de recevoir, nous avions parlé du monde d’après, qui chaque jour s’éloigne un peu plus. Ce monde, il nous reste à l’inventer, sans Gérard, mais porté par son enthousiasme et sa vision, je sûr qu’il continuera de veiller sur la destinée de ce qu’il a fondé sur le roc.

Alors que nous venons de célébrer la fête de Pâques, la victoire de la Vie sur la Mort, de la lumière sur les ténèbres, Philippe, Christine, Cécile et toute notre famille assurent Sophie, Laura, Denis et leurs enfants de nos pensées fidèles et de nos prières invitant ceux qui ne connaissent pas encore la Galerie Capazza à découvrir ce lieu hors du commun. Depuis chez vous pour commencer grâce à leur site internet puis cet été, sur place à Nançay, pour respirer cet air frais et vivifiant qui est celui de l’amour de l’art vivant.

Aymeric Rouillac
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