FR
EN

Évènement

Vendredi 31 mai 2013

La Gazette Drouot, par Caroline Legrand

Un beau quart de siècle ! Un coffre du cardinal Mazarin, des statues d’Alfred Janniot et un tableau mexicain en mosaïque de plumes figureront parmi les grandes attractions du 25e rendez-vous au château de Cheverny.

QUAND ? Dimanche 9 et lundi 10 juin (à 14 h).
OÙ ? Château de Cheverny. Rouillac SVV. Mme Buhlmann, MM. Blazy, Kunicki, Portier Th., Veyssière, Cabinets Brame & Lorenceau, Serret - Portier, Turquin.


Depuis 1989, c’est devenu un rituel immuable. Pour autant, « immuable » ne signifie pas monotone, et cette25 édition de la vente annuelle organisée par la SVV Rouillac au château de Cheverny promet d’être riche en émotions. Tout comme elle l’est en objets d’exception. Deux après-midi durant, les curieux pourront découvrir plus de 400 numéros et naviguer notamment entre tableaux modernes, pièces d’argenterie, laques japonaises et voitures de collection (le dimanche), bijoux, tableaux anciens, mobilier ancien, ivoires et dessins (lundi). Mais, avant de pénétrer à l’intérieur du château pour admirer et, qui sait, (sur)enchérir pour tel ou tel objet, il nous faudra prendre le temps de visiter le jardin, au sein duquel seront exposées, du 7 au 9 juin, trente-sept sculptures d’Alfred Auguste Janniot (1889- 1969). Cet exceptionnel ensemble d’œuvres Art déco provient de la Thébaïde, la propriété de Butry-sur-Oise où l’artiste avait trouvé refuge à partir de 1942. On remarquera notamment Les Trois Grâces, groupe en bronze le plus important encore en mains privées jamais offert sur le marché et attendu autour de 90 000 € (voir photo page 38). Euphrosyne, Thalie et Aglaé, filles de Zeus, se tiennent par les épaules, juchées sur un socle de pierre sculptée, sur les quatre faces, d’allégories de l’eau. On se gardera bien de venir importuner ces jeunes filles, puisque d’autres personnages de l’Antiquité - en plâtre ou en pierre – veilleront sur elles : Héraclès domptant le taureau crétois (10 000/15 000 €), le Centaure (10 000/15 000 €) ou encore les cariatides allégoriques des quatre éléments (15 000/20 000 € chacun). Une fois achevée votre garden-party privée avec ces charmantes créatures, il sera temps de pénétrer dans le château pour y découvrir, entre autres, l’objet d’art le plus attendu de la vente – définitivement historique, aussi. Le grand coffre en laque japonais vers 1640 ayant appar- tenu au cardinal Mazarin pourrait en effet s’en- voler bien au-delà de sa mise à prix, fixée à 200 000 € (voir photos ci-contre et page 36). Acheté par l’éminence grise en 1658 à la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, ce coffre en cèdre déroule en laque or sur fond noir le Dit du Genji, les Huit vues d’Ômi et le Dit des frères Soga. Voici l’un des quatre plus grands coffres en laque de la collection du cardinal de Mazarin, qui a appartenu à de prestigieux collectionneurs, de la noblesse anglaise notamment. L’autre numéro phare de la journée offrira autant d’exotisme, puisqu’il s’agit d’un travail mexicain du XVIIe siècle. Ce tableau en mosaïque de plumes figurant La Sainte Trinité et la Sainte Famille est estimé 200 000/300 000 € (voir photo page 39). Il ne reste plus que quelques dizaines d’œuvres de ce type, ô combien fragiles, dans le monde. Réalisées par des artistes aztèques, les amantacas, elles étaient commandées par des frères franciscains désireux de propager la foi chrétienne au sein du continent américain. La Sainte Famille est néanmoins rarement représentée en art plumassier, ce qui renforce le caractère exceptionnel de notre œuvre. Elle sera intégrée au volet « bel ameublement » de la vacation, qui compte d’autres pièces remarquables. On trouvera bien évidemment de somptueux objets d’art, dont une pendule musicale en bronze doré au-dessus de laquelle trône Le Char de Télémaque sous la protection de la déesse Athéna, d’époque Empire (10 000 €), ou la statuette de Louis XIII adolescent en argent par François Rude, exécutée vers 1843 (20 000/30 000 €).

Les amateurs de mobilier ancien ne manqueront pas le cabinet vénitien en bois naturel richement sculpté et doré, à façade chantournée et à décor, entre autres, de personnages de la commedia dell’arte (20 000/40 000 €). Le concept de rangement prendra même des allures historiques avec la grande armoire architecturée, dite « du Mariage de Louis XV » ; cette pièce alsacienne, en chêne mouluré et sculpté vers 1725, se négociera autour de 10 000 €. Quant à la paire d’encoignures en laque de Chine à décor en or de scènes de palais et dessus de marbre de style Louis XV, elle devrait partir à 13 000 €. La journée solognote sera aussi celle des tableaux modernes, avec au programme un important ensemble de paysages et de marines. La contemplation bucolique et maritime sera donc de mise grâce, entre autres, au Village sur la côte, une huile sur toile de Jean-Baptiste Camille Corot, vers 1855-1865, attendue autour de 25 000/30 000 €. Aux côtés de Frégate et gondoles à Venise, toile signée Félix Ziem et estimée 25 000/30 000 €, une vue de L’Eure, huile sur toile de Gustave Loiseau, est attendue à 70 000/90 000 €, tandis que Juan-les-Pins vu vers 1893 par Eugène Boudin est évalué 35 000/50 000 €, une Ferme de Beauce sous le pinceau de Maurice de Vlaminck affichant 40 000/50 000 €. On plongera aussi dans le regard d’êtres fascinants, notamment avec le Portrait de jeune fille à la rose, huile sur toile signée Gustave de Smet qui devrait osciller entre 35 000 et 50 000 €. Une telle abondance de biens nécessitera peut-être l’acquisition d’un véhicule adapté ; aussi, les amateurs de voitures de collection auront-ils la possibilité d’enchérir pour un des deux modèles de Rolls Royce inscrits au catalogue. La Corniche de 1973 est attendue autour de 20 000/30 000 € et la Silver Shadow de 1979 vrombira à 10 000/20 000 €. Que l’on soit reparti les bras chargés ou les mains vides de cette première journée, la nuit portera conseil pour aborder sereinement l’après-midi du lundi, qui commencera à 14 h avec les bijoux. La gent féminine devrait suivre de près la présentation d’un collier articulé en or et argent du XIXe siècle, à décor de fleurs et serti de diamants de taille ancienne et taillés en rose (10 000/15 000 €). Si la modernité picturale occupait le jour d’avant, on découvrira cette fois une quarantaine de tableaux anciens, dont trois devraient particulièrement retenir l’attention. L’Annonciation, panneau de peuplier cintré attribué à Michele Di Ridolfo (1503-1577), provient de la collection Michel Caffin-Destailleur.

UN POÈME DE QIANLONG

Originellement attribuée à l’atelier d’Agostino Verrocchio, l’œuvre, dans un joli cadre en bois laqué noir et or, pourrait atteindre 20 000 €. Le même ordre de prix est attendu pour le remar- quable Portrait de Gaston d’Orléans, toile de l’école française vers 1651, atelier de Juste d’Egmont (1601-1674). Portraitiste renommé, ce dernier collabora avec Rubens à la décoration du palais du Luxembourg et cofonda, en 1648, l’Académie royale de peinture et de sculpture. On pourra par ailleurs admirer les Trois Panthères, toile attribuée à Jean-Jacques Bachelier (1724- 1806) et estimée 30 000/40 000 €. Après le décès de son mentor Jean-Baptiste Oudry, ce peintre animalier fut chargé de représenter les trophées de chasse des rois Louis XV et Louis XVI. Les peintures européennes cèderont ensuite la place aux objets arts extrême-orientaux, parmi lesquels de nombreuses pièces en bronze, porcelaine ou ivoire. L’assistance sera invitée à la méditation avec la présentation d’un bodhisattva en bronze doré d’époque Ming (8 000/10 000 €). Assis en padmasana et coiffé d’une couronne ornée de l’image du Bouddha, tenant dans sa main droite une tige et un bol à aumônes dans celle de gauche, il arbore des boucles d’oreilles en forme de fleurs. C’est avec la même volonté d’élévation spirituelle qu’il faudra aborder l’album chinois, à couverture en zitan, intitulé Yu zhi wu fu tang dui wu yu lan jian shi et proposé autour de 10 000/ 15 000 € (voir photo page 37). Cet ouvrage datant du XVIIIe siècle comprend un poème de Qianlong écrit en zhuanshu en l’honneur des magnolias. La vente du château de Cheverny s’achèvera toute- fois sous le signe du luxe à la française, avec la présentation d’une trentaine de dessins prove- nant des anciennes collections Odiot, pour chacun desquels on comptera 500 €. Si Jean- Baptiste Claude Odiot (1763-1850) fit de la maison fondée en 1690 le fournisseur officiel de Napoléon Ier et fut surnommé le « prince des orfè- vres », c’est à son fils Charles Nicolas (1789-1868), qui lui succéda en 1824, que l’on doit une véritable refonte des codes de cet art. Celui-ci contribua notamment à développer le style Louis-Philippe. Les dessins de Charles Nicolas Odiot ici présentés sont des projets d’orfèvrerie – exécutés ou non – pour de grandes familles nobles et bourgeoises. Six d’entre eux font d’ail- leurs partie du service du sultan ottoman Mahmoud II, seigneur de la Sublime Porte. On trouve des projets à l’encre de salières, cloches, réchauds, seaux à vins, candélabres, soupières et autres saucières. Bref, c’est une certaine idée du savoir-faire occidental au service du raffinement oriental qui conclura ces enchères. Avant de se dire : rendez-vous l’année prochaine...
Inscrivez-vous à notre newsletter :
Suivez-nous :