Monumentale 25e Garden Party

La Gazette Drouot, par Chantal Humbert

Fêtant les vingt-cinq ans de ventes au château de Cheverny, l’étude Rouillac inscrivait 11 M€ pour les deux journées. 2 500 visiteurs aux expositions, plus de 350 personnes aux ventes et 13 nationalités. Le coffre du cardinal Mazarin, qualifié de « Mona Lisa du mobilier asiatique ! », faisait l’événement de la saison en régions. Trésor de l’ère Edo, il recèle une histoire rocambolesque. Mazarin l’avait acheté en 1658 aux enchères à Amsterdam. La pièce, finement travaillée en laque, argent et nacre sur fond noir, est tellement précieuse que le cardinal dili- genta un navire de guerre pour le rapporter en France. Ce meuble laqué avait été ensuite conservé dans la famille du premier ministre de Louis XIV comme Aymeric Rouillac l’a présenté dans un dossier documenté menant une enquête à la Sherlock Holmes. Après la Révolution française, le somp- tueux meuble laqué fut exposé dans les plus grandes collec- tions en Angleterre. « On suit sa trace jusqu’en 1941. Et ensuite, plus rien avant cette découverte en Val de Loire ». Retrouvé fortuitement lors d’un banal inventaire, le meuble en laque faisait alors office de minibar aux propriétaires. Surnommé affectueusement «bar à papa», il attire l’œil exercé du commissaire-priseur qui fait le rapprochement avec un des quatre coffres du cardinal Mazarin, dont l’un est conservé à Londres au Victoria and Albert Museum. Il est ensuite confié aux ateliers Brugier, rue de Sèvres à Paris, spécialisés dans la restauration de laque d’Extrême-Orient. Nettoyé, le grand coffre, véritable chef-d’œuvre de virtuosité, raconte l’équiva- lent de la Chanson de Roland : le poème épique met en scène un jeune archer cherchant à comprendre pourquoi son père ne l’a pas choisi pour lui succéder sur le trône.

Dans sa quête, il accède à la sagesse. Sur son chemin, les pommiers sont incrustés de petits clous d’argent et de perles de laque. Le coffre, proposé avec un certificat de sortie, enflammait des musées, de nombreux collectionneurs, divers amateurs étrangers et le négoce international. Réclamant une quinzaine de téléphones, les enchères commencées à 200 000 € s’emballèrent rapidement. Pulvérisant au final les estimations, le coffre était acquis par le Rijksmuseum d’Ams- terdam contre le Metropolitan Museum. Il va ainsi rejoindre la fameuse Ronde de nuit et honorer la nouvelle présentation du célèbre musée (voir Gazette n° 17, pages 146 à 151). Cet achat a été rendu possible grâce à un partenariat actif public/privé sous la houlette de M. Taco Dibbits, directeur des collections. Inscrivant un record absolu pour les vacations à Cheverny, le coffre de Mazarin devient aussi l’enchère la plus haute de l’année enregistrée en France. L’autre pôle d’attraction de cette première journée de ventes était constituée de 45 sculp- tures inédites d’Alfred Janniot. Proposées en bon état de conservation, elles proviennent de l’atelier du sculpteur réfugié un temps à la Thébaïde, la propriété de son ami Gérard Ducos, à Butry-sur-Oise. Cet ensemble décoratif, mira- culeusement protégé de l’abandon, apporte enfin une cote à ce sculpteur art déco, héritier de Bourdelle. Les Quatre Éléments, reprenant l’iconographie classique, récoltaient 400 000 €, marquant un record mondial pour Alfred Janniot. Ils étaient talonnés à 370 000 € par les Trois Grâces, représen- tant les trois filles de Zeus : Euphrosine, Thalie et Aglaé. Figu- rées traditionnellement nues, elles étaient enlevées par un grand collectionneur français. Rayonnant d’une sensualité toute méditerranéenne, les Trois Grâces président également aux activités de l’esprit. L’ordonnance équilibrée des volumes, le rythme sinueux du groupe alliés à la tendre jeunesse en font de splendides versions de l’Ève classique. Un amateur achetait enfin 165 000 € deux sculptures en pierre exécutées en ronde bosse. Elles transcrivent La Dame à la licorne et La Belle et la Bête que popularisa Jean Cocteau dans un film fantastique éponyme sorti en 1946 sur les écrans. Ces noces d’argent unissant le château de Cheverny et l’étude Rouillac célébraient l’art en majesté ...

CHANTAL HUMBERT

DIMANCHE 9 ET LUNDI 10 JUIN CHEVERNY

Rouillac SVV. Cabinets Brame et Lorenceau, Portier, Blazy- Mezcala. Mme Buhlmann, MM. Veyssière, Kunicki.

Célébrant les vingt-cinq ans de ventes au château de Cheverny, le point de mire de la journée dominicale était un coffre de Mazarin que le cardinal avait acheté à Amsterdam en 1658 (voir n° 21, pages 34 à 39). Espéré autour de 200 000 €, il était acquis pour 7,3 M€ frais compris par le Rijksmuseum d’Amsterdam. C’est M. Taco Dibbits, directeur des collections qui, grâce à un partenariat actif entre public et privé, a pu réunir la somme nécessaire. Il continue l’actualité artistique hollandaise commencée ce printemps avec la réou- verture du fameux musée (voir Gazette n° 17, pages 146 à 151). Inscrivant un record pour les vaca- tions à Cheverny, notre coffre recueille aussi l’enchère la plus forte prononcée en France depuis le début de l’année 2013. L’autre point fort de la vente était un ensemble décoratif du sculpteur Alfred Auguste Janniot venant de sa villa la Thébaïde, où il s’était réfugié durant la Seconde Guerre mondiale. 400 000 € ont couronné un ensemble décoratif représentant les Quatre Éléments. Ils enregistrent un record mondial pour le sculpteur, Les Trois Grâces séduisaient un grand collectionneur pour 370 000 € . Pour cette première journée de ventes, 26 adjudications dépas- sent les 20 000 € et six sont supérieures à 100 000 € (voir encadré page 230). Le musée des Jacobins à Auch dans le Gers s’est porté acquéreur à 220 000 € d’un tableau de mosaïque de plumes ; ce travail mexi- cain du XVIIe siècle représente La Sainte Trinité et La Sainte Famille (voir n° 21, page 39). Quant au musée des beaux-arts de Dijon, il achetait 24 000 € l’esquisse modelée en argent de François Rude, figurant Louis XIII adolescent ; elle est montée sur une pendule néo-Renaissance en marbre blanc d’après un dessin de Félix Duban. Nous publierons prochainement la liste complète des adjudications.